La revue Esprit (fondée en 1938 par Emmanuel Mounier) consacre un dossier spécial aux colères d’aujourd’hui, « les leurs et les nôtres ». Celles qui résisteraient à la mélancolie et morosité ambiantes. « N’y a-t-il pas dans le fait d’être mis « hors de soi », une capacité de se porter au-delà de nos égoïsmes ? » se demandent dans leur introduction Jonathan Chalier et Michaël Foessel.


Il s’agit d’une exploration des colères « productives » alors que nous assistons plutôt à une montée en puissance des énervés » (des paysans, aux Bonnets rouges de Bretagne). La première partie de ce dossier volumineux s’efforce d’analyser, de décrire et comprendre la logique de ces colères, par le recours à l’enquête sous le titre « L’ère des imprécateurs ». La deuxième partie présente des interprétations de la colère puisées dans les réflexions philosophiques et littéraires que cette passion a inspirées. « À quoi ressemblerait un monde sans colères ? » reprend une enquête auprès de plusieurs intellectuels. La dernière partie met en avant les « bonnes colères » qui portent plus loin que nous-mêmes. Celles qui relèvent moins de l’indignation que de l’expérience vive du scandale, « voie d’entrée dans la question de la justice. » Un diagnostic nécessaire et stimulant de la société française, jusque dans le monde du travail et de l’entreprise.

Robert Migliorini

«Colères»

Revue Esprit n°423, Mars-Avril 2016, 320 p. – 20 €