Le Conseil national réuni ce week-end des 21 et 22 mai a accueilli avec un vif intérêt Jean-Christophe Sciberras, ancien président de l’ANDRH (Association nationale des DRH) et actuel DRH France et directeur des relations sociales Groupe de la multinationale Solvay pour une mise en perspective de la loi El Khomri.


La loi El Khomri ou plutôt loi Travail renferme un choix fondamental de société : décentraliser le dialogue social au niveau de l’entreprise en commençant par la question du temps de travail puis faire confiance. Un accord d’entreprise devra être “majoritaire” (signé par des syndicats représentant plus de 50% des salariés). Faute de majorité, les syndicats minoritaires (représentant plus de 30%) pourront demander un référendum interne pour le valider. Et dans les entreprises sans représentation syndicale, les employeurs pourront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat sur tout sujet pouvant faire l’objet d’un accord. Les branches pourront négocier des accords-types applicables unilatéralement par les employeurs d’entreprises de moins de 50 salariés.

Cette loi a connu un problème de communication initiale à la suite de fuites et reflète un moment de crise collective. En parallèle, 2 sujets ont occulté le cœur de la loi et ont entraîné le recul du gouvernement :

  1. La question du droit trop rigide du licenciement économique
  2. La volonté de fixer un plafond aux indemnités prudhommales

Quelles sont les leçons à tirer de cela ?

— De l’étranger, ce débat franco-français est incompréhensible et impacte les décisions prises dans les multinationales.

— Dans la tradition anglo-saxonne, les chefs d’entreprise voudraient discuter avec chaque salarié plutôt qu’avec un intermédiaire. En France on préfère discuter avec un corps intermédiaire.

— Pour Jean Tirole, prix Nobel d’économie cette loi ne résout pas les problèmes de l’emploi car elle ne parle que des CDI et reflète un marché du travail trop rigide et dual.

— La France est un des pays du monde où la méfiance envers l’entreprise reste grande, où le concept de lutte des classes est toujours vivant. Or, la loi Travail reste un modèle participatif.

— Des syndicats qui attirent peu puisque même sans en être adhérent chacun profite des résultats obtenus alors que dans d’autres pays, seuls les adhérents en profitent.

En conclusion : il manque en France un discours fort confirmant le bien-fondé et l’utilité des organisations syndicales pour la société.

[/Séverine Blanc, responsable du secteur Antioche (Paris)
/]