Nous reproduisons ci-après un extrait de l’entretien avec le père Bruno Saintôt, responsable du département Éthique biomédicale du Centre Sèvres, paru dans La Lettre des Semaines sociales d’avril 2018, avec l’aimable autorisation de Dominique Quinio, présidente des Semaines sociales de France (SSF), membre du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE).


(…) Quels sont, pour vous, les points clés du débat, les enjeux principaux auxquels être attentif ?

Le premier enjeu est de savoir si nous allons garder notre système de santé basé sur la mutualisation des risques et sur la solidarité. Les innovations de la e-santé permettent les nouvelles performances de la médecine personnalisée mais risquent d’entraîner des modes de protection individualisés : pourquoi devrais-je payer pour d’autres si j’ai moins de risques de santé ? Cet enjeu majeur du maintien de la solidarité dans le soin est celui d’un système politique. Pouvons-nous vouloir collectivement un système très libéral après avoir bénéficié depuis l’après-guerre d’un système de solidarité qui contribue aussi au lien social ?

Ce système de solidarité sera grandement fragilisé si les demandes sociétales d’utilisation des biotechnologies conduisent d’une part à supprimer l’arbitrage du critère médical (cas de l’assistance médicale à la procréation pour toutes les femmes) et, d’autre part, à supprimer le principe de gratuité des éléments du corps (demande accrue de sperme, d’organes pour la greffe, etc.). Le deuxième enjeu est celui de la marchandisation.

Le troisième enjeu est celui de la médecine prédictive grâce aux tests génétiques et à l’utilisation des bases de données de santé. Il s’agit d’abord de bien évaluer ce que l’on sait vraiment prédire, puis d’envisager comment chacun sera confronté à la possibilité – voire à l’obligation – de savoir ce qui peut lui arriver à lui ou à sa descendance. Qu’en ferons-nous individuellement ? Qu’en ferons-nous collectivement ?

Le dernier enjeu majeur de ces états généraux me paraît celui des critères d’arbitrage utilisés par le CCNE. S’il refusait de s’engager dans l’évaluation éthique, son rapport risquerait de ressembler à une cartographie des attentes et des opinions en présence. Il manquerait alors la force d’orientations précises. Certes, nous ne serions pas « déboussolés » mais nous aurions la frustration de ne pas avoir progressés dans l’argumentation. De toute façon, le débat se poursuivra jusqu’au vote des députés.

Propos recueillis par Dominique Quinio

Lire l’interview dans son intégralité sur le site des SSF

Découvrir les principaux points de l’intervention de Mgr Pontier devant le CCNE pour les États généraux de bioéthique le 26 avril : éthique, principe de précaution, droit de l’enfant, critère de violence, médecine et solidarité sociale, etc.