Du 10 décembre 2015 au 10 janvier 2016 la Cartoucherie de Vincennes (Théâtre du soleil, Paris) présente ce spectacle réalisé par Roland Auzet, Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson et Jean-Louis Hourdin. Conçu à partir d’une réflexion autour du monde ouvrier, il offre un état des lieux de la souffrance au travail.


À l’origine, l’auteure-réalisatrice Alexandrine Brisson voulait travailler sur le geste du travail : sa beauté, sa pénibilité, son absence… Jean-Pierre Bodin, de son côté, souhaitait « rendre hommage au monde ouvrier ». Au cours des enquêtes et collectages de ce dernier, notamment au sein d’une entreprise de porcelaine, les témoignages d’ouvriers ont tous évoqué le suicide d’un homme, en mars 2009, au moment de la médiatisation de ceux de France Télécom. Un événement retentissant : Philippe Widdershoven qui se donne la mort est à la fois cadre (directeur informatique) et délégué CGT. Et il demande que son geste soit reconnu comme accident du travail, ce qui a été fait par l’entreprise. « Nous ne pouvions éluder cette question de la souffrance au travail. Cela nous a entraînés vers Sonya Faure, journaliste à Libération qui avait rédigé une double page sur ce cas, puis vers Christophe Dejours, chercheur au CNAM, spécialiste de ces questions, et qui finalement a participé à la réflexion sur la genèse de ce spectacle… » explique Jean-Pierre Bodin.

Une discussion avec le public s’engage généralement à l’issue du spectacle : « les spectateurs éprouvent le besoin de parler, puisque, quel que soit leur milieu professionnel, ils sont tous confrontés à ces phénomènes, soit personnellement, soit par le biais d’un ami, d’un collègue, d’un parent qui se retrouve dans cette situation » poursuit-il.

Pour le co-metteur en scène et comédien, ce spectacle « hommage » au monde des ouvriers et des employés, remplit le rôle que doit jouer le théâtre dans la cité : « poser des questions, réfléchir en tendresse et en dignité, être un levier supplémentaire pour la recherche, l’échange, puisque nombre de débats sur ces questions s’organisent autour de lui ». Et puis « Très nombreux, chacun seul » donne des clés et de l’espoir, car comme le dit Christophe Dejours : « Si nous sommes capables d’apporter notre zèle à un système qui génère le pire, nous pouvons aussi faire autrement, il n’y a pas de fatalité! »

Propos recueillis par Robert Migliorini

Théâtre du soleil – Cartoucherie 75012 Paris « Très nombreux, chacun seul »