Pour tenter de dépasser la confusion des catégories et des niveaux d’analyse dans le débat actuel – sur les graves sujets de société tranchés à la va-vite ces deux livres peuvent nous aider. . Souhaitons-nous vraiment, comme l’exprime Vincent Peillon cité dans La gauche, la droite et l’éthique, une sécularisation « cherchant son modèle religieux en dehors du christianisme, selon un modèle spécifique, républicain, socialiste, humanitaire, laïque » ?


Denis Müller, théologien et moraliste protestant nous invite à « Libérer l’éthique », à penser par nous-mêmes, sans suivre aveuglément un système de pensée. Car l’éthique, comme la religion, n’est ni de droite ni de gauche. L’évolution des mœurs n’est pas un progrès moral automatique et nécessaire, comme le croit la pensée moderniste. Pourquoi les dégâts du progrès dans les domaines économiques et financiers ne sont-ils pas dénoncés, comme ils le sont dans celui du néo-libéralisme et de l’individualisme forcené ? Pourquoi ce refus d’écouter l’autre, de passer par des compromis, la volonté d’« écraser les chrétiens et leur éthique sous la botte d’une idéologie intransigeante et antidémocratique » ? Mais pour l’auteur, les encycliques Casti connubii, Humanae vitae ou même Veritatis splendor sont aussi intransigeantes et l’Église catholique est loin d’être modèle de démocratie…

Michel Métayer, professeur de philosophie canadien en retraite, nous fait mieux comprendre ce qu’est une vraie éthique et comment mener un débat. Pour illustrer son propos, il pose les problèmes et propose, pour chacun, des pistes de réponses, qui nous aident à décrypter l’argumentation éthique, car tous les arguments ne se valent pas. Intéressantes aussi les stratégies des participants lors des débats éthiques pour nous en servir : mise en contradiction, changement de terrain, examen des analogies, appel aux faits, dévoilement des intentions, découpage des responsabilités… Enfin il nous permet de mieux réfléchir à l’opposition entre l’idéal et la réalité, l’application d’un principe rigide versus la recherche du résultat ou aussi l’égalité absolue par principe contre la justification de certaines inégalités réelles.

Tentons de mieux argumenter nos opinions et d’en débattre avec plus de compétence, même si « on ne peut convaincre les gens de choses dont ils ne sont pas prêts à se laisser convaincre ».

Bernard Chatelain

La gauche, la droite et l’éthique (jalons protestants et œcuméniques face aux défis de la laïcité)

Denis Müller, Cerf 2012, 128 pages – 10 €

Guide d’argumentation éthique

Michel Métayer, Chronique sociale 2011, 156 pages – 14,90 €