H eureux qui « comme un arbre planté près d’un ruisseau, donne du fruit en son temps et jamais son feuillage ne meurt » annonce le psaume 1. Et si nous recevions cette parole comme une invitation, pour nous équipiers, à toujours puiser à la source de notre spiritualité ? Qu’en est-il du MCC ? Où sont ses racines ? À quelle source biblique puise-t-il ? Françoise Alexandre retrace ses fondations spirituelles et met en lumière leur pertinence pour le présent.

Où s’enracine la spiritualité du MCC ?

La spiritualité du MCC se situe dans le mouvement d’incarnation du Christ qui vient sauver l’humanité. Il s’agit de connaître et aimer le monde pour s’y engager, comprendre les situations, forger son jugement en vue de décider pour agir selon l’Évangile dans un esprit de service. Ce sont ses racines ignatiennes, même si elles ne sont pas exclusives.

Elle met au centre l’être humain et sa liberté dans une conception du monde optimiste. Le monde est confié à l’humanité par Dieu : tous sont invités à prolonger le geste de création de Dieu par leurs actions. Chacun doit user de sa liberté pour agir dans le même geste de bonté que Dieu créant. Il doit donc éclairer sa conscience pour opérer ses choix au plus près de l’esprit évangélique. Cela passe par des compétences professionnelles, dans une familiarité avec la Parole de Dieu.

Dans un monde où tout bouge, où puisons-nous aujourd’hui l’élan « pour agir selon l’Esprit du Christ dans les lieux où s’exercent nos responsabilités » ?

Doctrine sociale de l’Église et rapport au monde.

La formation à la doctrine sociale de l’Église et aux questions sociales forge un rapport au monde qui dépasse les clivages politiques. Sans un regard attentif sur le monde, sans une réflexion préalable aux engagements du chrétien dans le monde, comment discerner ?

Aujourd’hui, une grande diversité existe au MCC, avec moins d’homogénéité dans les sensibilités ecclésiales, tout au moins chez les JP : face à cette pluralité de courants, la cohésion doit être assurée par un ancrage renouvelé dans la DSE. Les courants de développement personnel imprégnant la société ne font pas des équipiers des familiers de l’Évangile dont la prière inspire l’action et la consolide.

Les textes du pape François tout particulièrement Evangelii Gaudium et Laudato si mettent le MCC face aux nouveaux défis. Plantons nos racines à la source pour irriguer réflexions et actions, nous réajuster dans un rapport au monde, non pas hostile, dans la confiance devant ce qui est en train d’advenir, y recevant la présence du Seigneur à l’œuvre dans la pluralité. Ces textes éclairent la conscience éthique, qu’elle soit sociale ou individuelle, pour tenir ensemble le particulier et l’universel et se garder de toute idéologie qui ne serait pas respectueuse de l’humain avec une insistance sur le bien commun.

Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire. [Gaudium et spes, §1]

 

Des équipes de partage et de discernement

Le MCC, héritier du MICIAC, s’approprie la pédagogie de l’Action catholique : voir, juger, agir, aujourd’hui nous disons plutôt relecture.

Fondée sur le partage, la vie d’équipe est une école d’écoute et de discernement. Les choix, les positionnements sont réajustés par la parole des uns et des autres. Les réunions font traverser la complexité des situations, elles apprennent le respect des différences : partir du point de vue de l’autre ! Ceci façonne les équipiers à écouter leurs collaborateurs au travail autrement, à prendre le temps du silence et de la réflexion. Dans la conversion à l’écoute et par l’écoute grandit le sens de la responsabilité et du service à la manière du Christ.

Le MCC gagnerait peut-être aujourd’hui à utiliser davantage les moyens que propose la spiritualité ignatienne pour s’enraciner dans l’Évangile en proposant retraites ou haltes spirituelles pour que ses membres puissent davantage mettre le Christ au cœur de leur action : expérimenter que le Christ est le rocher qui permet de bâtir la maison pour qu’elle ne soit pas emportée par la première tempête. Unifier la vie de foi et la vie professionnelle ou familiale permet de porter fruit et de poser les jalons d’un Royaume de justice et de paix, mais aussi de puiser courage et créativité dans des temps difficiles pour tenir le cap. À chacun de trouver sa manière en fonction de sa sensibilité ecclésiale, sociale et politique pour être « citoyen en vue du bien commun ». Peut-il y avoir discernement sans ces pauses où l’on ralentit la course ?

Enracinement biblique

Si le « chemin d’Emmaüs » propose un canevas de réunion pour un discernement en équipe, toute réunion d’équipe s’inspire de ce texte qui est le mouvement permanent de nos vies dans le mystère eucharistique. Nous partageons en équipe les évènements vécus, ce qui constitue la trame de nos existences et de nos engagements ; comme les disciples découragés parfois, nous tournons le dos à la vie, sans comprendre. Jésus marche avec nous. Il nous ouvre les Écritures, nous fait découvrir le sens de ce que nous vivons par l’écoute les uns des autres. Ne fallait-il pas vivre ceci pour qu’arrive cela ! ?

Peu à peu au cours de la réunion, le sens émerge, une trouée de lumière s’ouvre, la consolation dans la fraternité agit. Et nous nous quittons parfois le cœur tout brûlant. L’équipe, cellule d’Église, réunie au nom du Christ fait l’expérience d’une présence qui conforte et fait repartir avec courage. Une réunion d’équipe apprend à chercher la trace du Christ et sa présence dans les activités ordinaires, à être de plus en plus perméable à la venue de Dieu dans le quotidien. Il se fait connaître à la fraction du pain, dans le partage. Chaque personne est temple de l’Esprit. La vie d’équipe permet de l’expérimenter.

Les membres du MCC s’entraident pour « devenir personnellement et collectivement témoins du Christ et messagers de la Bonne Nouvelle là où ils vivent. ». Tantôt sel de la terre et tantôt ville sise sur la montagne. Le monde attend des témoins. Prenons les moyens. Chaque jour. C’est leur manière d’accueillir le Christ dans leur vie et d’en être témoin qui donnera envie à d’autres de les rejoindre, dans l’aspiration aujourd’hui à vivre la foi en profondeur et en actes.

Françoise Alexandre, religieuse Xavière, documentaliste, accompagnatrice JP Paris.


Repères

  • 1891 : encyclique Rerum novarum, Léon XXIII
  • 1892 : création de l’Union des ingénieurs catholiques (UIC)
  • 1906 : l’UIC devient Union sociale des ingénieurs catholiques (USIC)
  • 1937 : création du Mouvement des ingénieurs et chefs d’industrie de l’Action catholique (MICIAC)
  • 1965 : naissance du MCC de la fusion USIC/MICIAC