Hélène Cloître est productrice et responsable d’association. Diplômée de l’IESEG School of Management en 2018, elle cofonde en 2019 la Conserverie anti-gaspi sarthoise. En 2021, elle cofonde le Forum Séisme.
témoignage
Hélène Cloître : un virage à 180 degrés
À 28 ans, la désormais productrice et réalisatrice a changé de métier pour étendre l’engagement écologique et social dans le monde du travail et bousculer les trajectoires. Un engagement qui recueille de plus en plus d’échos, notamment chez les jeunes professionnels.
Hélène Cloître mesure le chemin parcouru, au prix d’un virage professionnel à 180 degrés, depuis que diplômée d’une école de commerce, elle a quitté un poste dans un puissant groupe de la grande distribution pour rejoindre un écolieu. Première étape quasi-radicale suscitant d’autres initiatives, traçant une passionnante feuille de route professionnelle et existentielle pour cette native de la Sarthe; où il s’agit de “bousculer les trajectoires, propager les ondes de l’engagement et secouer le monde du travail, où il existe une grande inertie.”
Rien de moins. En écho à nombre de jeunes diplômés au seuil d’une carrière à mener et des choix à poser. L’enjeu de “secouer le monde du travail” se mesure aisément au temps consacré en moyenne à une activité professionnelle. “Dans une vie, nous passons plus de 100 000heures à travailler. Que se passerait-il si toutes ces heures étaient employées au profit du bien commun? Je suis convaincue, poursuit Hélène Cloître dans un récent entretien à La Croix, que l’engagement dans son métier est la clé pour aller vers une société plus durable et solidaire”.
Un impact écologique et social
Il s’est agi depuis de passer des nobles intentions initiales aux exercices pratiques. En cette fin d’année 2023, à 28 ans, Hélène Cloître, aujourd’hui réalisatrice et productrice, se réjouit du bon accueil de la première édition du forum Séisme Grand Ouest. Porté par l’association d’intérêt général Séisme (https://seisme.org), ce forum à but non lucratif, s’est tenu en octobre dernier à Rennes. Pendant deux jours, les 4 300 participants à ce nouveau rendez-vous de l’emploi à impact écologique et social ont été invités à un vigoureux programme : “mettre en lumière les manières de s’engager dans son travail” avec un village des structures engagées du territoire, des tables rondes et témoignages inspirants, des ateliers, “job dating”, agoras. Soucieux de concerner toutes les générations, ce forum a l’ambition de se tenir bientôt dans d’autres régions, notamment près des grandes écoles, et de se répéter chaque année à Rennes. En restant sélectif, selon les organisateurs, quant aux structures invitées. Pas question de promouvoir les adeptes du greenwashing, cette pratique qui consiste à donner une apparence écologique à un produit ou une démarche qui ne l’est pas. Hélène Cloître cite dans ce constat amer sa première expérience professionnelle fondatrice. “Le gaspillage alimentaire et les inégalités sociales me heurtaient déjà. Mais je ne me questionnais pas sur mon rôle personnel et je n’avais pas de regard systémique. J’ai pris conscience que tous les produits que je vendais étaient emballés dans du plastique et que mon activité consistait à faire acheter à des personnes précaires ce qui ne leur était pas forcément utile. Lorsqu’une promotion m’a été proposée, j’ai démissionné”, partage-t-elle encore dans son récit d’une transition. C’est désormais installée dans le Morbihan qu’elle crée en association une conserverie anti-gaspillage, déchargeant des magasins de leurs invendus pour en faire des confitures et des soupes.
Pas question de promouvoir les adeptes du greenwashing.
Une quête de sens
C’est aussi le moment où, avec son compagnon Arthur Gosset, elle s’engage dans la réalisation et la promotion
d’un documentaire par la suite distingué par un “coup de cœur” du jury du festival international du film écologique et sociale de Cannes. Ruptures, le film, retrace le parcours de six jeunes dont Arthur Gosset le réalisateur lui-même, alors étudiant à Centrale Nantes, qui renoncent à un avenir tout tracé après des études dans les grandes écoles, pour une vie qu’ils jugent “plus compatible avec les enjeux environnementaux et sociétaux de notre époque.” Hélène Cloître, en tant que productrice, participe à l’organisation de 200 projections avec débats dans une quarantaine de villes. Ces intentions de rupture ont réuni près de 25 000 étudiants en quête de sens pour leur futur job, selon les estimations des promoteurs. Le documentaire a été également projeté en Chine, en Grande-Bretagne et en Argentine.
Fort de ces échos, le duo prépare un deuxième documentaire (voir hors texte ci-contre). Sur l’urgence de transformer l’entreprise de l’intérieur et d’en donner les conditions. En recherche de ces “éveilleurs” appelés à être rejoints par d’autres. Faut-il parler de radicalité en ce qui la concerne ? Hélène Cloître juge le terme mal utilisé et faisant référence aux choix d’une minorité. Elle préfère convaincre en pariant sur l’extension de l’engagement écologique. À partir d’une partie de la population vraiment motivée mais de moins en moins considérée comme marginale. Tout un programme.
Robert Migliorini, Comité de rédaction