
René-Philippe Tanchou
Président de l’Association Saint Augustin, association gestionnaire de la Maison des Augustines.

René-Philippe Tanchou
Président de l’Association Saint Augustin, association gestionnaire de la Maison des Augustines.
point de vue
Temps de lecture estimé : 5 minutes
Fin de vie : un Ephad catholique bousculé dans ses pratiques
Confrontée pour la première fois à des demandes d’euthanasie ou de suicide assisté, la Maison des Augustines à Versailles entame une réflexion éthique et s’engage pour faciliter l’accès aux soins palliatifs.
Dans un contexte de débats sur les lois de fin de vie, la Maison des Augustines — qui se pensait protégée par son histoire — se trouve confrontée pour la première fois à des demandes d’euthanasie [1] ou de transfert en Suisse de résidents pour bénéficier du suicide assisté [2]. Ces faits ont poussé le conseil d’administration de l’association à lancer une réflexion de fond, permettant de ne pas se contenter d’opposer une fin de non-recevoir à ces demandes. Des échanges menés avec des professionnels et personnels de la Maison ont permis au conseil d’administration de prendre conscience de la priorité qu’il y avait à mieux soulager la souffrance physique et psychologique des résidents mais aussi leurs symptômes d’inconfort.
Le conseil d’administration s’est ainsi résolument engagé à mettre en place les moyens nécessaires pour mettre en œuvre une vraie démarche palliative dès l’arrivée des résidents dans la Maison. Cela implique non seulement de se doter des équipements nécessaires et d’avoir du personnel formé, mais aussi d’aider les résidents à donner un sens à leur vie jusqu’à la fin grâce à un accompagnement spécifique.
Un Ehpad n’étant pas habilité à prodiguer lui-même des soins palliatifs [3], la Maison des Augustines a noué des partenariats avec différents acteurs : la Maison Jeanne Garnier pour la formation, une société d’hospitalisation à domicile pour les soins techniques, l’association Rivages pour l’accompagnement des personnes. Une équipe dédiée a ainsi pu être constituée, mutualisée avec deux Ehpad voisins. L’accompagnement spirituel, assuré par la présence constante des Sœurs de Saint Jean, participe pleinement à ce dispositif.
Des inégalités d’accès aux soins palliatifs
Faute de moyens et de personnels formés aux soins palliatifs, la loi Claeys-Léonetti sur la fin de vie demeure inégalement appliquée sur le territoire. Les personnes isolées ou plus fragiles sont, de manière générale, moins bien informées.
L’euthanasie apparaît comme une porte de sortie tentante face à la souffrance
En l’absence d’accès aux soins palliatifs pouvant aller jusqu’à une sédation profonde et continue, la demande d’euthanasie ou de suicide assisté est de plus en plus fréquente à tout âge pour mettre fin à la souffrance. Dans une société où l’on cherche à tout contrôler, y compris sa propre mort, l’euthanasie apparaît comme une porte de sortie tentante face à la souffrance, qu’elle soit physique ou psychologique.
Les risques d’une nouvelle loi sur la fin de vie
La nouvelle législation sur la fin de vie, telle que rediscutée en ce moment, soulève de nombreuses interrogations. Elle suscite notamment des inquiétudes quant au respect des pratiques éthiques des institutions de santé, qui pourraient se voir obligées d’accueillir des intervenants extérieurs pour y pratiquer « l’aide à mourir ». La clause de conscience — permettant à un professionnel de refuser d’accomplir un acte pour des raisons éthiques ou morales — ne s’applique en effet qu’aux individus, le caractère propre de l’établissement n’étant pas reconnu.
De même, les personnes vulnérables, notamment celles en situation précaire ou percevant leur existence comme un fardeau financier ou émotionnel pour leurs proches, pourraient subir une pression accrue et se sentir poussées à demander une « aide active à mourir ». La validité du consentement libre et éclairé du patient est au cœur du débat sur la fin de vie. Certains pays, comme l’Autriche, demandent à des notaires de recueillir expressément ce consentement individuel, en parallèle des avis médicaux.
Une perspective chrétienne au cœur de la réflexion
Établissement catholique, la Maison des Augustines prône une approche de la fin de vie fondée sur la réflexion, la quête de sens mais surtout sur un accompagnement personnalisé. Tout en rappelant que « donner la mort reste toujours un mal », elle insiste sur l’importance d’une démarche personnalisée d’aide à vivre jusqu’au bout. Elle s’engage pour cela à soulager la souffrance et les symptômes d’inconfort de façon première et professionnelle, condition essentielle pour bien remplir cette mission d’accompagnement.
Plus généralement, notre mission de chrétien est d’aider les personnes à discerner sur ce sujet. Chacun d’entre nous se doit d’y réfléchir personnellement, avec et pour ses proches, car nous sommes tous concernés par la fin de vie. Nous avons la responsabilité de nous instruire, de nous éclairer, de susciter le débat mais aussi de réfléchir de façon très concrète à cette question. Cela nécessite un véritable engagement intellectuel personnel.
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Lexique
[1] L’euthanasie est l’acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. L’acte létal (qui va entraîner la mort) est effectué par le corps médical.
[2] Le suicide assisté, ou l’aide au suicide, est l’acte de fournir un environnement et des moyens nécessaires à une personne pour qu’elle se suicide. Le médecin prescrit la substance létale, puis la personne se l’administre elle-même. A la différence de l’euthanasie, c’est la personne elle-même qui accomplit le geste.
[3] Les soins palliatifs ont pour objectif d’aider à préserver la qualité de vie des patients atteints d’une maladie grave, potentiellement mortelle, par la prévention et le soulagement de toute souffrance, qu’elle soit physique, psychologique, existentielle ou spirituelle. Ces soins n’ont pas pour objectif d’accélérer ni de ralentir la mort.