Le projet de Joseph Moingt s.j., en écrivant cette somme théologique est de parler du «~Dieu de Jésus~» qui vient au-devant de l’homme pour le sauver, même en nos temps d’incroyance, et d’inscrire l’humanisation et la rédemption qu’Il nous offre dans la durée de l’histoire humaine et dans la totalité de la mission du Christ.


Dans la première partie, Joseph Moingt dresse un tableau de l’évolution de la connaissance de Dieu tant chez les Israélites que chez les Grecs ou d’autres peuples. Après la croyance en de multiples divinités, Dieu se fait connaître peu à peu comme unique, parent des hommes, sauveur du groupe puis de chacun. Il se donne et donne sens à l’existence. Jérémie et Ezéchiel vont consolider la foi monothéiste. Le salut devient alors bienveillance, amitié, pardon. La puissance de Dieu, de nature spirituelle, s’exerce dans sa relation personnelle avec l’homme. Dieu a ainsi voulu préparer la venue de son fils et la naissance de l’Église.

Le père Moingt poursuit, montrant l’accomplissement du salut par Jésus et l’Esprit : sa première référence sera la « source Q » (à l’origine des paroles de Jésus communes à Matthieu et à Luc) disant l’attente du royaume qui vient sur les pas de Jésus. Puis c’est Jésus, Messie rejeté, disparu, mais dont les apôtres annoncent qu’Il est ressuscité car ils ont vécu l’expérience de sa présence, toute intérieure… Jésus est alors déclaré Christ, c’est-à-dire Messie envoyé de Dieu, car d’avance « Dieu était dans le Christ », Sauveur par le don de l’Esprit. Paul nous dit que le Christ est mort pour nous et que tous peuvent obtenir le salut, pourvu qu’ils se réconcilient avec les autres : en s’offrant « soi-même en sacrifice vivant », en renonçant « à soi pour se consacrer à la création nouvelle, à la naissance de l’homme nouveau à l’image de celui qui s’est fait le frère de tous ».

Pour que la foi devienne « pensable et vivable au sein de l’Église, crédible et attrayante pour le monde environnant », le jésuite laisse place, dans une seconde partie plus difficile à suivre, à sa créativité théologique. Dans sa relecture de la Révélation du point de vue d’une foi critique, il soutient que foi et révélation s’opposent, la foi étant soumission de la raison à la parole de l’Église alors que nous devrions reconnaître que Dieu s’est révélé, partiellement, à travers d’autres croyances. Pour lui, l’Évangile est fondamentalement l’annonce du salut accompli en Jésus, qu’Il soit préexistant ou pas à sa naissance humaine. Dieu Trinité est amour éternel et Jésus serait pénétré de la divinité de Dieu agissant en Lui sans la posséder. Pour J. Moingt, Dieu vient au-devant de tous les hommes du fond des âges à travers les plus anciennes religions et vient encore à nous en ces temps d’incroyance « sans se laisser enfermer dans la révélation à Israël, ni dans ce qui est arrivé à Jésus Christ ».

Dans ce livre qui devrait être suivi d’un second volume sur la vie et la mission de l’Église, de nombreuses thèses sont à la limite des enseignements de l’Église mais elles obligent à réexaminer ce qui fait la profondeur de notre foi personnelle.

Bernard Chatelain

Croire au Dieu qui vient, de la croyance à la foi critique

Joseph Moingt, Gallimard 2014, 612 pages – 29 €