Chaque mois, quelques amis DRH se réunissent autour d’un déjeuner rapide pour échanger leurs opinions sur les questions sociales du moment. La dernière fois, la conversation est partie spontanément sur la dégradation du lien social que chacun peut observer, au travail comme dans la rue, sur fond d’inquiétude pour la solidité de notre économie. Il est assez banal aujourd’hui de parler de crise systémique, cependant j’ai été étonné par la convergence totale des points de vue exprimés autour de la table. C’est probablement la première fois dans l’histoire que notre modèle de développement se heurte à la fois à une limite qui lui est totalement extérieure, fixée par l’écosystème global, et à une dérive interne qui fait que l’essentiel de la création de valeur procède d’un emballement de la planète finance et ne repose plus sur une réalité matérielle fiable. Et ces processus menacent une société marquée par un individualisme consumériste qui ne la prépare pas à aborder les ruptures.

A quoi bon un tableau si pessimiste ? A suggérer un autre regard. Je suis d’ailleurs frappé par le nombre de livres, études, débats, émissions, qui expriment, contre la peur de l’avenir, la volonté de réfléchir aux enjeux, de confronter les opinions, et qui cherchent à tester des hypothèses, à inventer déjà des débuts de solution. Beaucoup de ces travaux ont un point commun : ils ne cherchent pas de boucs émissaires. Notamment ils évitent de stigmatiser nos dirigeants politiques, en les accusant de manquer de vision de l’avenir.
Auraient-ils les moyens d’être plus clairvoyants que leurs concitoyens, quand tous les paramètres du système se dérèglent ? Mais ils nous renvoient à nous-mêmes, à notre capacité de renouveler la vie démocratique et le lien social par nos engagements sur le terrain.

C’est dans cette voie que nous pourrons faire briller la petite flamme de l’Espérance, notamment en assumant chacun la responsabilité de comportements plus sobres et plus solidaires.

Cette perspective n’est-elle pas dans le droit fil de notre congrès de Lyon, et aussi de la dernière session des Semaines Sociales de France? A la veille des élections, il peut être important de la considérer avec attention.

Christian Sauret, membre du comité de rédaction