Chrétiens et cadres – page 28

Chrétiens et cadres Lyon Figaro du 26 janvier 1987 :

entretien avec Dominique Guibé

Le Mouvement des Cadres Chrétiens à Lyon ayant pris l’initiative de proposer dans toutes les régions, samedi, des rencontres pour réfléchir sur le thème «Avenir: chance à saisir», Dominique Guibé, responsable national du MCC et cadre d’entreprise lui-même, était à Lyon où près de trois cents personnes se sont réunies. Il a bien voulu répondre à nos questions.

Lyon-Figaro — Pourquoi ce rassemblement ? Y a-t-il des problèmes spécifiques aux cadres chrétiens?

Dominique Guibé — Il ne se pose pas plus de problèmes à un cadre chrétien qu’à un cadre non chrétien. La différence n’est-pas là. Les cadres impliqués dans la vie économique rencontrent tous des problèmes qui sont ceux liés aux évolutions techniques, aux évolutions de mentalités, de plus en plus rapides dans des entreprises confrontées à l’environnement international. En tant que chrétiens, nous essayons de réfléchir aux problèmes. Comme ils ne nous sont pas propres, on s’est proposé de réfléchir avec toute personne impliquée, localement, régionalement. On essaie de coller aux réalités.

L.F. — N’est-ce pas plus difficile maintenant d’être chrétien et cadre?

D.G. — Notre caractéristique est de prendre en compte tous les aspects du problème. Nous avons moins à considérer les responsabilités globales que celles de chacun d’entre nous. Tout l’enjeu est de rendre compatibles les deux aspects. Cela demande une attention permanente à l’importance de la performance et de faire attention à ceux qui risquent d’être exclus.

L.F. — Etre chrétien, lié à l’Evangile, qu’est-ce que cela apporte à un cadre? Des réponses?

D.G. – L’Evangile n’apporte pas de réponses toutes faites. Heureusement, car Dieu veut rendre les hommes responsables. L’Evangile apporte un éclairage et cet éclairage va changer quelque chose dans notre manière de vivre. Car il ne faut pas rêver, les problèmes sont là, avec une réalité économique. Au lieu d’une réponse, l’Evangile suscite plutôt une question. En quoi moi, chrétien suis-je éclairé dans les décisions que j’ai à prendre ?’.

L.F. — Quels sont les rapports d’un tel cadre avec son entourage professionnel?

D.G. — C’est toute la question du témoignage du chrétien là où nous vivons. Il y a une multitude de situations. Alors il va y avoir des comportements nouveaux, un style de relations, des critères de décision, qui feront que l’on pourra remarquer chez quelqu’un une manière d’être posant question. La phase suivante, elle, est personnelle : c’est se dire par exemple : pourquoi agir comme ça, pourquoi avoir pris une décision qui me coûte et au nom de qui? Enfin, dans le témoignage, il faudra toujours être très attentif au respect de chacun.

L.F. — Qu’apporte le phénomène de la Résurrection dans votre vie de cadre?

D.G. — Elle donne tout un sens à la vie, une orientation. Nous n’avons pas l’exclusivité du sens de la vie mais, en tant que chrétiens, nous croyons vraiment que la Résurrection du Christ donne un sens à tout. Un sens plein.

L.F. — Un cadre chrétien a-t-il un message à proposer?

D.G.— Les mutations que nous vivons présentent des opportunités fantastiques pour travailler autrement. Nous devons profiter de ces changements pour permettre aux hommes de travailler différemment. Ils doivent être responsables, utiliser toute leur créativité, et se réaliser au mieux.
Le message est un message d’espérance: il y a des choses à saisir. Mais pas d’optimisme béat non plus. Soyons réalistes, ayons foi

Propos recueillis par Philip B.


Vivre le comité de rédaction – page 39

5 ans déjà. Souvenir, souvenir …. Midi ce dimanche matin de novembre 2008 en conseil national à l’Enclos Rey, rue Violet dans le XVe. Fin d’une matinée studieuse de cette assemblée générale annuelle du mouvement qui rassemble les responsables de régions et de secteurs autour du bureau national. Avec Françoise nous représentons le petit secteur de Vaucluse.

Midi donc, dans la file d’attente devant la cafétéria. Notre responsable nationale Geneviève-Isabelle, arrivée en même temps que nous, engage la conversation reprenant les idées développées dans le carrefour qui nous a rassemblés l’heure précédente. L’attente se prolonge, nous progressons lentement vers le self, les idées s’échangent. Et là, Geneviève Isabelle me demande directement si je suis intéressé à participer au comité de rédaction de Responsables. Surprise totale. Elle argumente, explicite sa proposition. Et au moment de prendre le plateau et les couverts, je l’assure de prendre le temps de réfléchir à cette demande.

Et voilà comment tout est parti. Bien sûr, j’avais constaté avec une bonne expérience d’équipier débutée à Orléans, poursuivie à Montpellier puis à Avignon avec la responsabilité du secteur, que la vie du mouvement prenait véritablement sa dimension par la mise en relation de l’ensemble des membres. Université d’été, congrès, conseil national en étaient les ingrédients principaux. Mais la revue ” Responsables” en représentait alors le liant, rouage essentiel de l’unité du MCC alors que nous percevions que nos équipes ne portaient pas toujours l’attention que méritait ce passeur d’information et de cohérence.

C’est ainsi qu’avec l’appui solide de Françoise, un goût certain mais timide pour l’écriture conjugué à l’ignorance de la réalité de cet engagement (mais n’est-ce pas toujours le cas au MCC ?) sont alors venus emporter l’adhésion à l’appel reçu.
Une première participation “pour voir” en novembre au comité de rédaction animé par la rédactrice en chef Marie-Caroline, l’accueil chaleureux de ses membres et leur complicité immédiate ont été déterminants pour un accord définitif. D’autant que le numéro de Responsables en préparation portait sur les “finalités de l’école”, sujet de prédilection pour moi. Je fus immédiatement chargé d’écrire un premier article (bien reçu par le comité, ma foi !) puis de traiter dans le numéro suivant le compte rendu de l’événement JN 2009 d’Avignon.

Ainsi, plongé dans le grand bain, j’ai très vite compris que la tâche proposée était encore bien plus riche que celle de rendre en temps et heures un texte de 3000 ou 5000 signes, espaces compris sur un sujet qui n’est pas toujours évident à traiter.
En effet, si vivre pleinement le comité de rédaction mensuel en soirée (19h30-22h30), c’est identifier les articles relevant de sa propre capacité à faire, c’est aussi se charger de temps en temps de rédiger une vie d’équipe, d’oser un éditorial ou de proposer une prière. C’est contribuer à choisir les sujets à traiter, aider à les répartir entre membres du comité, à trouver des ressources extérieures en capacité d’écriture, “signatures”, femmes ou hommes reconnus pour leurs compétences, ou se transformer en (modeste) critique littéraire pour réaliser des recensions sur des livres récemment édités, quitte à devenir interviewer pour des rencontres en face à face ou au téléphone.

Au-delà du (petit) stress que peuvent souvent générer ces rendez-vous avec des personnalités souvent reconnues, le (grand) plaisir de se trouver en discussion avec elles est pour soi source profonde d’enrichissement personnel.

Comme le sont nos rencontres chaque mois.

Car vivre le comité de rédaction, c’est partager une véritable vie d’équipe, des discussions toujours riches, quelquefois animées. Si cette contribution régulière et parisienne est quelquefois contraignante pour une présence assidue mais nécessaire (d’autant plus pour le provincial que je suis), elle est un formidable outil pour vivre au cœur du MCC, pour en comprendre les richesses et les faiblesses. Elle permet d’être en prise directe avec les évolutions du mouvement et les grandes décisions, et d’assurer sa part dans l’appropriation par les équipes de ce qui semble souvent lointain ou détaché du contexte local.

Autre richesse inhérente à ce choix : Elle est humaine dans la proximité avec le bureau national et dans la complicité avec les membres du comité qui ont ou ont eu à un degré plus ou moins grand un rôle majeur dans la vie du mouvement ou qui vivent des responsabilités professionnelles importantes. Elle devient alors un réel apprentissage pour à la fois mieux assumer ma propre contribution dans les responsabilités du mouvement que j’exerce, et plus globalement contribuer à mon développement personnel.

Depuis ce point de départ en 2008, j’ai vécu les deux premières années à participer à l’aventure toujours pleine de risques de la réalisation de la revue papier bimestrielle, puis j’ai eu la chance d’être mobilisé pour contribuer à la mutation de “Responsables”, au passage à l’électronique, à la création de la lettre mensuelle et des dossiers trimestriels qui s’y sont substitués depuis 2011, de passer de l’expérimentation à l’industrialisation des processus. Les technologies imposent des réflexions différentes, des nouveaux moyens de diffusion, d’autres rapports à l’écrit, à l’écriture même, à l’information, à la rapidité des traitements. La pluralité nouvelle des médias utilisés dans le MCC impose alors une complémentarité des services offerts aux équipiers, la convergence des lignes éditoriales, la volonté d’être crédible dans ce monde en mutation. L’évolution du travail en comité s’en est nourrie. Participer à cet élan est toujours motivant.

Finalement, le bilan de ces cinq années est riche, et l’envie de participer à cette aventure intacte. La vie du MCC est faite d’un mouvement incessant entre les sorties et les entrées des adhérents, ces dernières conduisant naturellement à un renouvellement des idées, des moyens, des outils propres à la diffusion de l’information. Le comité évolue à ce rythme et l’appel à l’entrée de JP et de professionnels confirmés en activité est absolument nécessaire pour qu’il conserve et développe sa crédibilité et son efficacité.

Je ne peux citer les apports reçus des contributions de chacun ou de tous les événements heureux ou difficiles de nos rencontres. Toutes et tous ont contribué à pérenniser ce comité, m’ont encouragé et souvent aidé à assurer les engagements pris.

Je me souviens particulièrement aujourd’hui des paroles pleines de sagesse et d’humanité, des encouragements à mon égard de Jean-Luc, 55 années d’engagement au MCC et presqu’autant au comité de rédaction; j’entends aussi la voix de Bernard, notre aumônier national , pièce maitresse du comité par son implication à produire nombre d’articles, ouvrir son carnet d’adresse, toujours extraire avec clarté les dimensions spirituelles de nos travaux, laissant toujours ouverte la porte de son bureau de la rue de Varenne pour m’écouter. Je ressens toujours l’autorité et l’exigence de qualité de Michel, je profite des qualités journalistiques d’Anne-Marie et de Pierre-Olivier qui m’ont tant impressionné et appris à oser. C’est Christian qui, fort de sa responsabilité nationale passée, sait replacer en douceur certains errements dans les rails de la charte, et dont la complicité est une chance pour moi. Je vois les plus jeunes Anne-Isabelle, Alexandra et Isabelle qui, riches de leur ouverture d’esprit et leur implication dans des vies au travail très chargées nous ont apporté sang neuf, thèmes nouveaux, mais qui, vie d’aujourd’hui oblige, ont aussi maintes difficultés de disponibilité. Enfin, je profite bassement de l’implication de notre responsable Marie-Hélène pour abuser de sa patience et être souvent soit trop ou trop peu, soit en avance ou en retard, mais rarement dans le bon timing ou la bonne mesure.

J’ai donc beaucoup reçu, et je reçois toujours beaucoup de cette expérience, y compris l’imprévisible : Ainsi ce mail de frère Jean Mansir, qui me remerciait de la recension de son livre “Dieu … Quel Dieu ?” et me proposait de le rencontrer dans son lieu de résidence à l’abbaye de Boscodon, proche d’Embrun. Ce que j’ai finalement fait pour un partage riche et inspiré. C’est un détail parmi les dizaines de rencontres. Mais il symbolise pour moi l’essentiel de la richesse cette expérience unique.

Dominique Semont


Vu du dehors – page 41

Extrait de l’intervention d’Ariane Chabert au Conseil national de mai 2012

Ariane Chabert avait pour mission, lors des Équipes nationales, d’écouter en profondeur les échanges, pour restituer en retour ce qui fait l’originalité du MCC, sa force et ses paradoxes. Dès le début de sa mission, Ariane a vécu un renversement : elle pensait trouver un réseau puissant de professionnels, elle a découvert un mouvement riche de l’expérience de ses membres mais qui se déploie dans une forme de faiblesse selon la réalité existentielle de chaque personne membre du mouvement.

Principales caractéristiques du MCC :

 Au MCC, la personne est au centre : Des personnes authentiquement sujets qui s’expriment en « je », à partir d’un « nous » (l’équipe) en se laissant imprégner en profondeur par un « Lui » (le Christ) ; un Mouvement qui n’est pas acteur lui-même mais au service de ses membres, acteurs chrétiens engagés en liberté et en responsabilité.

— Le MCC est au service de ses membres : le rapport entre le mouvement comme organisation et ses membres se fait selon le même mode de liberté et de respect que celui des équipes vis-à-vis de leurs membres (grande liberté d’organisation, formation par imprégnation et non par instruction,…) ; un Mouvement que l’on peut dire « christique » : il est au service et à l’écoute des membres et des équipes, dans la confiance.

 Comme toute organisation le MCC est régulièrement soumis à trois tentations :

— Tentation de centralisation, de la normativité, comme réponse à la confusion des repères, la dissolution des autorités. Le MCC aide à la prise de parole comme à l’action personnelle mais n’a-t-il pas à s’effacer devant celui ou celle qui la mettra en œuvre ?

— Tentation de l’uniformité : pour plus de facilité, de compréhension mutuelle… la tentation de l’homogénéité jusqu’à l’uniformité devant le coût de la diversité.

— Tentation de l’utilité ou de l’instrumentalisation du Mouvement comme réseau : le Mouvement est-il un lieu où l’on prend et où l’on se sert ou bien un lieu où l’on reçoit et où l’on donne ?

 Derrière ces tentations, des paradoxes, tension entre modèles de structure et de communauté

— Choix entre une autorité centralisée ou des « ecclésioles » responsables coordonnées par une organisation hiérarchique ascendante ?

— Choix entre visibilité et affichage ou enfouissement ? Le peu de visibilité du MCC apparaît comme une des spécificités du Mouvement…

— Choix de la parole : force d’affirmation ou force d’interpellation ? Le MCC a-t-il vocation à être prophète ou à accompagner ses membres pour qu’ils soient eux-mêmes prophètes ? Le MCC éclaire, soutient, propose mais n’impose pas.

— Choix entre plus d’unité ou plus de diversité ? L’ouverture et la diversité sont massivement reconnues comme une originalité et une richesse du mouvement. La liberté laissée à chaque équipe est un des moyens pour accueillir et vivre cette diversité afin qu’elle soit la plus authentiquement féconde.

— Choix de communication : promotion ou cooptation ? Le mode de communication le plus utilisé au MCC est le témoignage. Il n’y a pas de campagne de communication mais appel à y participer.

— Un mouvement authentiquement d’Église

— Le MCC est un lieu d’Église : pour certains de ses membres, il est le seul lien à l’Église,

— Le MCC est une communauté de foi, d’espérance et charité,… Dans la manière dont les membres parlent du MCC on retrouve les mêmes mots que ceux du Concile Vatican II à propos de l’Église.

— Le MCC : un Mouvement en mouvement, en mutation permanente car il est l’émanation des vies réelles et concrètes de ses membres.

 Conclusion : consentir la confiance
Dans les incertitudes des transformations du monde dont nous sommes autant témoins qu’acteurs, comment le MCC peut-il être en mouvement, en invention et rester fidèle à ce qu’il est en profondeur ? En osant la confiance d’un autrement ; oser vivre la force de l’humilité dans la confiance.

Le MCC est source d’espérance pour l’Église et le monde d’aujourd’hui.

Ariane Chabert, dirigeante d’Hapax Conseil