L’INSEE vient de publier les résultats 2009 de son enquête, pudiquement appelée : Revenus fiscaux et sociaux, mais qui dresse en réalité un état des lieux de la pauvreté en France. Après une baisse entre les années 1970 et 1990, le taux de pauvreté a stagné jusqu’au début des années 2000. Il est reparti à la hausse depuis 10 ans. Quelques éléments de décryptage pour plonger dans les conclusions très intéressantes de cette enquête et un article du Monde qui invite à changer notre modèle économique pour ne pas laisser cette question aux seuls statisticiens!


Une synthèse de l’enquête de l’INSEE est disponible en cliquant ici

Quelques éléments pour aborder le sujet et mieux comprendre les évolutions décrites.

Un individu est considéré comme pauvre quand son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. L’INSEE, comme Eurostat et les autres pays européens, mesure la pauvreté monétaire de manière relative alors que d’autres pays (comme les États-Unis ou le Canada) ont une approche absolue.

Dans l’approche en termes relatifs, le seuil de pauvreté est déterminé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l’ensemble de la population. Un seuil à 60 % de la médiane des niveaux de vie est généralement utilisé. (Le niveau de vie médian coupe la population en deux : autant gagne moins, autant gagne davantage)

Le “niveau de vie” se calcule en divisant les revenus du ménage par le nombre de personnes qui le composent mais en tenant compte des économies d’échelle (un seul réfrigérateur…) et du fait que les enfants consomment moins que les adultes. Cette notion, qui permet de comparer des ménages de taille différente, ne doit pas être confondue avec le revenu ou le salaire.

Les principales conclusions

Ainsi définir la pauvreté est toujours une construction statistique. L’écart entre les seuils de 50 et 60 % le montre bien : le taux de pauvreté va presque du simple au double selon que l’on utilise la première ou la seconde définition. En effet la France comptait 4,5 millions de pauvres en 2009 si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian et 8,2 millions de pauvres en 2009 si l’on utilise le seuil de 60 % du niveau de vie médian. Dans le premier cas, le taux de pauvreté est de 7,5 %, dans le second de 13,5 %. En 2009, le seuil de pauvreté situé à 60 % du revenu médian, pour une personne seule, est de 954 euros mensuels, celui à 50 % de 795 euros.

La pauvreté a baissé des années 1970 au milieu des années 1990. Elle est ensuite restée plutôt stable jusqu’au début des années 2000. Depuis 2002, le nombre de personnes pauvres au seuil de 50 % a augmenté de 760 000 (+ 20 %) et le nombre au seuil de 60 % a progressé de 678 000 (+ 9 %). Les taux sont passés respectivement de 6,5 à 7,5 % et de 12,9 à 13,5 %.

Il ne s’agit pas d’une “explosion”, et la France demeure l’un des pays qui compte le moins de pauvres en Europe. Mais le mouvement de hausse est désormais très net. Il constitue un tournant historique depuis les années 1960. La stagnation de l’activité économique depuis 2009 laisse penser que la situation ne s’est pas améliorée. L’augmentation du nombre de personnes pauvres peut être rapprochée de la hausse du chômage induite par la crise. Toutefois des mesures ponctuelles et la montée en charge progressive du revenu de solidarité active ont permis de limiter les effets de la crise.

Qui plus est, les personnes pauvres le sont encore plus qu’en 2008: l’intensité de la pauvreté (l’écart entre le niveau de vie médian des personnes pauvres et le seuil de pauvreté) passe de 18,5 à 19%, note encore l’Insee.

A l’autre bout de l’échelle le niveau de vie des 10% les plus aisés est supérieur à 35.840 euros annuels, soit 0,7% de plus qu’en 2008. L’étude note toutefois un ralentissement dans la progression.

Pour aller plus loin…

Vous voilà équipé légèrement pour plonger dans la “réalité virtuelle” des statistiques pour vous construire votre propre interprétation. Vous pourrez ensuite(ou avant !) lire ou relire l’article de la Croix qui donne les éléments clés du propos.

A lire également l’article du Monde qui invite à penser autrement notre modèle économique.

Extrait – “En définitive, chercheurs et consultants expriment la même conviction : la contribution des entreprises à la lutte contre la pauvreté requiert un changement significatif de leur modèle économique. Ce que confirme en conclusion le directeur général délégué du groupe Danone, Emmanuel Faber, pour qui «la valeur d’une entreprise représente finalement sur le long terme les profits auxquels elle accepte de renoncer pour les partager avec ses parties prenantes collaborateurs, fournisseurs, communautés locales». Autrement dit, l’adoption d’une gouvernance partenariale et non plus actionnariale: «Une révolution mentale», selon Cécile Renouard et Gaël Giraud.”

Dominique Semont