Vivre ensemble ? Aujourd’hui les désaccords entraînent une balkanisation de la communauté nationale, la disparition d’un projet collectif, du bien commun et de véritables guérillas. Tout ce qui est économiquement efficace est considéré comme bon.


Voici le constat de l’auteur pour qui la disparition du lien social provient de la réalisation de la société de marché, « le commerce étant le but unique, la vie véritable des nations » (Benjamin Constant), mais on voit qu’elle détruit la morale commune (Eurostat comptabilise dans la richesse des nations les transactions liées à la prostitution ou, à la drogue !) Dans l’entreprise, le travailleur ne possède plus ni ses outils ni le fruit de son travail et se demande où sont passés les vrais chefs. Des chartes essaient de faire réapparaître projet et morale communs, les grandes entreprises exercent leur pouvoir sur le politique (traité TAFTA pour se libérer des revirements politiques, des questions d’emploi ou d’environnement). Enfin les institutions de la société de marchés enferment les libertés individuelles dans des régulations anonymes et lointaines…

Mais la société de marché dérape : déracinements de populations, inégalités déjà dénoncées par Léon XIII, lutte des classes, taylorisme, tentatives révolutionnaires de l’entre-deux-guerres, totalitarismes, etc. Par ailleurs, elle est soumise à la critique personnaliste et révolution spirituelle souhaitant refonder la société sur une autre vision de l’homme, la sobriété et la capacité de jouir de peu.

On ne sortira pas de la société de marché sans prendre en compte la dimension relationnelle de l’homme, être dépendant, la personne ne peut décider seule des normes de ses actions qui dépendent toujours de l’autre et bien vivre ensemble suppose harmonie et équilibre entre biens matériels, relationnels et bien commun dont la matière est morale et qui doit être transmis (éducation, exemplarité, imitation, culture…) C’est ce à quoi nous sommes tous appelés.

[/Bernard Chatelain/]

Le marché n’a pas de morale

Mathieu Detchessahar, Éditions du Cerf 160 pages – 14 €