Contribuer aux débats sur les évolutions de nos sociétés – page 190

Avant les Débats, le Centre Varenne

Un peu d’histoire

En préfiguration dès les premières années de la décade 70, totalement opérationnel en 1975, le Centre Varenne a vécu de façon active les quinze dernières années ; il en a illustré les évolutions à travers plus de deux cent cinquante rencontres. Examinons les missions qui lui étaient confiées :

— être un lieu de rencontres, d’échanges, de confrontations ouvertes entre les idées et les opinions les plus diverses ;

— traiter des changements qui affectent la société, les systèmes de valeur, la vie des individus, l’entreprise, l’ordre économique aussi bien en France que dans les autres pays ;

— élargir l’impact des travaux des commissions du MCC par l’organisation de colloques ou débats en direction de personnalités extérieures. La dénomination “Centre” correspondait bien aux nécessités de ce moment où s’opérait le basculement du social (USIC) vers le culturel. Pour être un lieu de rencontre accepté par le plus grand nombre il fallait : – marquer une certaine distance par rapport aux institutions officielles;

— être un lieu ouvert.

On vit fleurir à cette époque des centres culturels de toutes sortes. Ils s’adressaient à un public “post 68″friand de témoignages et prises de positions personnels exprimés dans le cadre de tables rondes ou de débats. Au théâtre ou dans les rencontres de tous genres on boudait les grands classiques et les exposés magistraux. On privilégiait la recherche dans tous les domaines, même si elle n’était pas très aboutie, “l’art et essai” au cinéma faisait fureur, etc.

Le public, même si dans bien des cas il était fait de ceux qui avaient pris leur distance par rapport aux institutions, restait un public de formation militante et d’engagés. Ces hommes, ces femmes qui refusaient les fatalités et les déterminismes avaient élevé le dialogue au rang de valeur dans les années 60 et se complaisaient dans la confrontation des opinions. Le pluralisme, non plus seulement accepté mais recherché, se mettait en place.

Le Centre Varenne prenait pour devise “s’informer pour mieux agir” et jouait parfaitement son rôle pendant toute cette période.

Un constat

Mais au fil des jours et des années le contexte évolue. La population MCC se déplace “extra muros”. Les “militants” prennent le chemin de la retraite. Le MCC se refait une jeunesse, classée un peu vite par ses aînés peu engagée et droitisante. Les modes de vie des cadres et surtout des couples de cadres se modifient considérablement.

Le public non MCC du Centre vieillit, sans vraiment se renouveler. Les media reprennent largement la formule débat et table ronde, la banalisent, et réactivent le goût du public pour les “vedettes”.

Des conférences de type magistral font foule. Surtout si elles touchent (souvent pour des raisons différentes) les deux publics aujourd’hui disponibles : les anciens et les jeunes. Car la troisième génération, l’intermédiaire, est souvent absente de la vie associative et de toutes manifestations.

Et puis, les valeurs commencent à se proclamer haut et clair. Dans un monde où l’homme se sent parcellisé, éclaté, on recherche les discours qui proposent une restructuration, une unification de la personne. Aurait-on vu, il y a dix ans, deux cent soixante auditeurs pour le père Paul Valadier sur un titre comme “Inévitable morale” ?

L’implosion des fausses certitudes, l’effritement des vieilles ornières qui en guidaient plus d’un, laissent nos congénères dans l’inconfort à la recherche d’une nouvelle identité.

Ces changements, le Centre Varenne les a ressentis un peu comme un glissement de terrain sous ses fondations. Il lui fallait percevoir ce que dans l’aventure devenait son public potentiel et quels services il pourrait lui rendre. Pour ce faire il a interrogé tous ceux qui ont un jour participé à ses rencontres et les membres du MCC d’Ile de France. Aujourd’hui ce constat est établi. Il vous intéresse directement. Nous, le présentons ci-dessous.

L’enquête

Un double but

— Recenser les fidèles afin d’alléger un fichier lourd à gérer (plus de 3.000 adresses) et donner plus d’efficacité aux campagnes de communication et d’information sur les activités.

— S’efforcer de connaître les désirs, les aspirations tant au niveau de la fréquence, des horaires et des lieux des manifestations, que des sujets souhaités.

Le dépouillement a été effectué en séparant les membres du MCC du public non MCC. Une lettre de sensibilisation destinée aux responsables de régions et d’équipes a été adressée en même temps que l’enquête au début de mois d’août.
La totalité des membres du MCC de la région parisienne s’élève à environ douze cents. Nous avons reçu cinq cent quarante-six réponses soit 45 % ; cinq cent sept fiches manifestent un intérêt pour le centre et souhaitent une information personnelle sur ses activités. En prenant en compte les couples qui ont répondu sur la même fiche ce sont six cent quarante personnes qui constituent le public potentiel MCC.
Le questionnaire a été envoyé aussi à tous les participants à au moins une soirée recensés par l’accueil. Sur mille neuf cent trente quatre envois nous avons reçu cinq cent quinze réponses soit27 %, et quatre cent soixante sept fiches(six cent cinq personnes compte tenu des ménages) demandent une information sur les activités du centre. Dans le lot il y a beaucoup d’anciens MCC.

Constatations

Les membres du MCC sont désintéressés, généreux, conscients des grands enjeux. Ce qui les motive : les valeurs pour lesquelles on peut lutter et s’engager là où on est, en espérant un résultats si minime soit-il. Ce qui leur fait peur : ce sur quoi ils ont le sentiment de n’avoir aucune prise, qui les dépasse, ne dépend pas d’eux.

Ne sont jamais cités :

— en positif : la réussite, la carrière, le profit, l’équilibre du corps, rester jeune…

— en négatif : les vicissitudes de la bourse, l’avenir des systèmes de retraite…Les périodiques ou magazines grand public n’ont pas de prises sur l’imaginaire des membres du MCC.

Les deux questions ont été perçues suivant différents plans :

— le plan existentiel : traduit par la primauté de la foi, de la spiritualité, de l’amour, amitié, famille, couple;

— le plan de la Construction du Royaume : soit l’action dans les domaines social, politique, professionnel, le progrès technique, scientifique, économique, mais aussi la formation et l’éducation des jeunes ;

— le plan de la façon d’être, de l’art de vivre : créativité, beauté, curiosité, joie, art, nature, musique, et aussi la vie tout court citée de nombreuses fois.

On peut dire, par le recoupement des résultats aux deux sortes de questions, que le public MCC n’attend pas du centre Varenne des réponses à tous ses sujets d’intérêt ; il pense souvent trouver d’autres lieux de ressource mieux adaptés.

Signalons pour terminer, que parmi les réponses, ceux qui disent n’être pas venus depuis deux ans, l’expliquent pour 16 % par le lieu, pour 16 % par l’heure ; 30 % environ apprécieraient des soirées plus proches de leur domicile.

Perspective ou perspectives?

A très court terme : marquer une pause pour mieux observer et comprendre, essayer de définir les zones de synergie avec le mouvement, élaborer une stratégie adaptée au temps qui vient.

Le plus vite possible : se regonfler (dans tous les sens du mot) pour mieux rebondir. Ceci implique une nouvelle image de marque, des moyens adaptés, mais surtout l’analyse de la recherche d’identité de nos contemporains et, en corollaire, des propositions pour prévenir le risque de retour du balancier vers les “solutions” simplistes ou fondamentalistes.

Dans un contexte où les hommes, comme les empires, éclatent, il y a peu de l’éclatement à la désagrégation et de la reculturation au repliement sur soi. Alors qu’autour de nous on parle surtout de vide et d’absence de projet, les projets du Centre devraient être à la dimension de ce vide.

Pour répondre à la quête d’identité qui logiquement précède (de peu ?) celle du sens, nous devrons présenter des réponses de chrétiens et de laïcs qui nous paraissent susceptibles de montrer qu’un avenir incertain est un avenir ouvert, un avenir dont l’histoire personnelle et collective peut être écrite par l’action de chacun. .

Christian Sauret

Extrait de Responsables n° 227 – juin 1991