Invités par Justice et Paix, Chrétiens en forum et le Comité chrétien de solidarité avec les chômeurs et les précaires à présenter leur livre(1), Gaël Giraud et Cécile Renouard ont d’abord rappelé ces chiffres édifiants : dans les multinationales l’écart des salaires va de 1 à 500 voire 1 000 si l’on tient compte des stocks options. En France, le salaire mensuel médian est de 1 600 € et le salaire moyen de 2 200€. Pour les patrons du CAC 40 il atteint 100 000 €, hors stock options… Morceaux choisis.


Remarquant que le maintien des bas salaires a un effet pervers sur les finances publiques car cela nécessite la mise en place de dispositifs de compensation, Cécile Renouard a indiqué que doubler 20 % des plus bas salaires dans une entreprise comme Danone ne nécessiterait que de diminuer de moitié les 1% des plus hauts revenus.

D’un point de vue éthique, les hauts salaires ne lui semblent pas justifiés par les services rendus à la société : en cas d’épidémie un trader serait peu utile alors qu’un agent de maintenance des services d’évacuation des eaux usées serait indispensable. Le lien entre le salaire et l’utilité sociale est donc défaillant. Gaël Giraud a montré qu’une réduction des hauts salaires et une augmentation des bas salaires seraient efficaces au plan économique : parce que, pour ces derniers, tout euro supplémentaire est réinvesti dans l’économie par le biais de la consommation, alors que les très hauts revenus ont beaucoup d’excédents non dépensés, placés sur les marchés financiers. Or ceux-ci sont inefficaces d’un point de vue économique car incomplets (un marché est complet si on peut s’assurer contre tous les risques). Pour rétablir une société plus démocratique et moins inégalitaire, les deux auteurs proposent donc de plafonner à 12 l’écart des salaires : si un tel plafond ne peut être imposé, des incitations sont possibles, par exemple en en faisant une condition d’éligibilité pour les appels d’offres publics.

Gaël Giraud et Cécile Renouard ont enfin souligné que les grands écarts de revenus vont de pair avec une société très cloisonnée… Apprendre à se parler dans le corps social est un vrai enjeu spirituel qu’il ne faudrait pas manquer.

Anne Salvo

(1) A lire ou relire : Le facteur 12, Pourquoi il faut plafonner les revenus, Carnets Nord, Éditions Montparnasse 2012, 260 p. – 18 €