Dans leur rapport « L’entreprise, objet d’intérêt collectif » remis aux ministres de l’écologie et du travail début mars, en vue d’alimenter le projet de loi PACTE sur la réforme de l’entreprise qui sera présenté en Conseil des ministres fin avril, Jean-Dominique Senard et Nicole Notat proposent des transformations diverses de la définition et de la gouvernance de l’entreprise.
Il s’agit de reconnaître « l’intérêt propre » de la société, au-delà des intérêts particuliers de ses membres et de rendre les conseils d’administration des entreprises, responsables de la formulation de la « raison d’être » de la société ; dès lors, il s’agit d’ajouter à la définition juridique actuelle de toute société (le fameux article 1833 du Code civil) le fait que celle-ci doit être gérée « dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux ».
Le rapport propose également d’augmenter le nombre d’administrateurs salariés pour aller jusqu’à 3 dans les CA de plus de 13 membres ; de créer un comité de parties prenantes à côté du CA, afin de veiller à la stratégie RSE de l’entreprise ; et enfin de créer un statut spécial d’entreprise « à mission » pour celles qui cherchent à mesurer leurs impacts au regard d’un objectif sociétal donné. Diverses autres recommandations apparaissent aussi, en vue de lier les questions sociales et environnementales à différents aspects de la vie de l’entreprise : elles concernent le souci d’éviter des rémunérations variables déconnectées de la performance sociale et environnementale, l’exploration de la réforme des normes comptables susceptible de comptabiliser les effets de l’activité sur la nature et sur les personnes, ainsi que l’étude « de la place et du rôle de l’actionnaire ».
Si ces mesures étaient adoptées, elles marqueraient une étape positive vers une meilleure reconnaissance des enjeux sociaux et environnementaux, comme relevant de la responsabilité directe des entreprises. Mais elles restent très insuffisantes au regard des défis planétaires que notre gouvernement dit pourtant vouloir relever, à commencer par la mise en œuvre de l’accord de Paris. L’approche reste symptomatique d’une tendance à raisonner à partir de la logique habituelle d’entreprise et de la perception des rapports de force, plutôt que de partir des réalités mondiales et d’envisager résolument les trajectoires, les stratégies permettant d’éviter les catastrophes. Une révolution mentale, une conversion des intelligences et des cœurs est encore nécessaire !
Cécile Renouard, directrice du programme « CODEV- Entreprise et développement » à l’ESSEC, professeur au Centre Sèvres, enseignante à l’Ecole des Mines, à l’ESSEC et à Sciences Po
[L’entreprise, objet d’intérêt général, rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard->http://travail-emploi.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/article/rapport-l-entreprise-objet-d-interet-general]