La principale source d’enrichissement est actuellement la multiplication des échanges. Le progrès n’est donc plus la légitimation du capitalisme. Comment justifier l’acceptation du travail si la participation de tous à une œuvre collective n’est plus socialement reconnue ?

Face à l’effondrement des deux éthiques transcendantes (protestante puis progressiste) qui justifiaient que les hommes acceptent un travail dur mais menant à un progrès continu, l’éthique des affaires et de l’entreprise, diffusée sur papier glacé, tente d’instituer une éthique purement économique. Elle tente de restaurer la confiance et de motiver les salariés.

Dans un premier temps Anne Salmon examine les textes des différents acteurs qui tentent de promouvoir cette éthique de l’entreprise, les chartes, codes déontologiques, accords sur la responsabilité sociale de l’entreprise, exigences pour tout collaborateur de l’entreprise, mais n’empêchent nullement licenciements boursiers, course à la consommation ou scandales . . .
Puis l’auteur met en perspective historique la spécificité de cette offre d’éthique, qui succède aux deux éthiques précédentes. Aujourd’hui l’entreprise met en avant la responsabilité individuelle et se prétend au service du bien commun en appliquant la RSE, mais la rentabilité maximale financière est en réalité le seul critère des dirigeants et des propriétaires de l’entreprise. . .

Dans la deuxième partie, Anne Salmon estime que, face au désenchantement devant l’échec du progrès, le doute généralisé et l’exaltation des désirs du consommateur, la crainte du chômage et de l’exclusion sociale ne suffit plus pour obtenir l’abnégation des producteurs et leur adhésion aux objectifs de croissance d’une production destinée à s’engloutir dans la consommation. Le geste du travailleur n’a plus d’importance pour le capital, de plus en plus c’est la personne globale qui compte (autonomie, créativité, innovation, connaissances. . ., mais aussi appartenance au groupe).
« L’éthique de l’entreprise devrait inciter le travailleur à faire de bon cœur ce qu’il doit de toutes façons faire, à condition d’accepter de prendre les moyens pour des fins ».

Bernard Chatelain

Moraliser le capitalisme

Anne Salmon, CNRS éditions 2011, 262 pages – 25 €