Il ne reste plus que trois catégories de salariés : les «protégés conservateurs» défendant les acquis de l’État providence, les «mercenaires créatifs» mais de plus en plus indépendants, et les «précaires», perdants des externalisations et délocalisations.


Pour Jean Pierre Gaudard, ancien rédacteur en chef de l’Usine Nouvelle, nous vivons les derniers vestiges du salariat, détrôné par l’individualisme et l’aspiration à l’autonomie qui entraînent le refus du modèle salarial et du travail prescrit au bénéfice des activités choisies, de la concurrence de tous contre tous. Détrôné aussi par la philosophie de l’échange favorisée par le RSA ou l’indemnisation du chômage… Le télétravail, les espaces de coworking ou les tiers locaux y contribuent à leur façon.

Les entreprises ont évolué d’un modèle industriel fermé vers des réseaux d’entreprises modifiés selon les nécessités des évolutions des productions. On constate une fusion outil professionnel / appareil personnel et les technologies se décentrent vers l’individu. La hiérarchie est dépassée par des millions d’innovateurs, le bricolage et le jeu collaboratif deviennent des chemins d’innovation. Mais cela entraîne la concurrence de tous, la précarisation et une balkanisation de la relation salariale ; les demandeurs d’emploi deviennent offreurs de compétences et l’inflation des études et formations mène plus au chômage qu’à l’emploi salarié. . .

Si la crise est grave, reste à inventer le postsalariat, à évoluer vers un État protecteur plus que providence, à imaginer de nouveaux biens communs et les formes futures de l’économie qui devrait être coopérative. Mais, comme le dit Bernanos, «l’espérance c’est le désespoir surmonté».

Bernard Chatelain

La fin du salariat

Jean-Pierre Gaudard, François Bourin Éditeur 2013, 204 pages – 19 €