« Comment valoriser une coresponsabilité différenciée ? » est la question qui a été posée dans le cadre des travaux du synode 2024 à tous les diocèses de France. Guillaume Houdan, membre de l’équipe nationale chargée de faire la synthèse des contributions[1], en dévoile quelques remontées à Dominique Quinio pour Promesses d’Église.
De quoi avez-vous fait la synthèse et qui a travaillé ?
Le secrétariat du synode avait demandé de réfléchir sur « comment être une église synodale en mission ? ». Début janvier 2024, à l’issue d’un conseil permanent des évêques, il a été décidé de mettre l’accent sur le thème de la « coresponsabilité différenciée ». Il y a eu les remontées de 64 diocèses mais également de Promesses d’Église, du MCC, de la Conférence Catholique des Baptisés de France ou encore de 700 jeunes autour du Père Vincent Breynaert.
Perçoit-on déjà des changements dans ces remontées ?
Oui, les choses ont déjà bougé. Pour les diocèses qui ont répondu, on peut évaluer que les conseils épiscopaux sont composés environ de 35 % de laïcs et de 30 % de femmes (il y a 4 ans, on était à 25 % de femmes). Autre évolution notable, on voit très nettement avancer la fonction de déléguée générale (l’équivalent de vicaire général), avec le problème que cette mission n’est pas encore canonique ; on est au stade de l’expérimentation, mais cette expérimentation est en cours dans au moins une dizaine de diocèses. Déjà, lors de l’assemblée d’octobre 2023 à Rome, on a perçu que cette expérience intéresse. Mgr Joly est intervenu sur ce sujet. Cela donne une autre image de l’Église en France.
Ces déléguées générales sont des femmes ; pourrait-il y avoir des délégués généraux homme, laïcs ?
Les hommes mariés laïcs, c’est un peu l’angle mort. 86 % des laïcs présents dans les conseils épiscopaux sont des femmes. L’homme marié n’est pas très présent, sauf – permettez-moi cette remarque – s’il est diacre ; mais le diacre est un clerc ! Est-ce qu’il va falloir penser ces missions de délégué(e) général(e) comme un ministère ?
On peut remarquer aussi que le processus de conversation dans l’Esprit fait son chemin ; on sent qu’il séduit. On est réuni à l’écoute de la Parole de Dieu (sans l’instrumentaliser), on écoute chacun sans réagir, on fait silence puis on exprime ce qui nous a touché dans la parole de l’autre.
Une autre grave question est remontée, celle des conseils diocésains de pastorale. Beaucoup sont en panne aujourd’hui. Soit il s’agit d’un groupe nombreux, mais qui se réunit rarement, soit d’un groupe plus restreint qui, du coup, ne semble pas vraiment représentatif. On est dans l’expérimentation. Il y a de la frustration, de la lassitude.
Des baptisés sont déçus ; ils ont participé mais se demandent à quoi cela sert, s’ils ont été écoutés. Mgr Lebrun, dans mon diocèse de Rouen, souhaite expérimenter une solution différente : un conseil de 25 personnes, chaque personne étant en lien avec une vingtaine de contacts, qu’elle interroge sur chaque thème abordé (cela permet de consulter 500 personnes). En fait, la question centrale est celle de la décision, très bien analysée par Isabelle Morel dans la synthèse : sommes-nous dans l’exercice d’une coresponsabilité de décision, ou d’une coresponsabilité de participation ? C’est le nœud, mais sur le plan canonique, nous ne sommes pas dans la coresponsabilité de décision.
Pour certains évêques, les différents conseils sont seulement des lieux de consultation et eux seuls décident. Il est vrai que c’est l’évêque qui porte la responsabilité de la décision. Mais d’autres évêques ne prennent pas de décisions seuls et sont prêts à porter la responsabilité d’une décision qui a été prise en concertation.
[1] Synthèse remise à Rome le 15 mai 2024. Equipe nationale composée de Mgr Alexandre Joly, évêque de Troyes, Hugues de Woillemont, secrétaire général de la Conférence des évêques, Lucie Lafleur, mère de famille et étudiante en théologie et Guillaume Houdan, diacre du diocèse de Rouen et professeur d’histoire-géographie. Aidée par plusieurs référents venant de différents diocèses : Isabelle Morel, théologienne, Anne-Marie Florin, déléguée générale du diocèse de Poitiers, qui prépare une thèse sur les conférences épiscopales à l’université de Louvain.