Le tracteur pétarade, semble caler, puis repart. Juché sur son engin d’un autre temps, Frère Christophe, un des moines de la communauté de Tibhirine peut continuer, avec sa herse, à gratter le sol du jardin de l’enceinte monastique. Image ordinaire, à la limite du documentaire, tirée du film « Des hommes et de des dieux ».
Vision métaphorique, peut-être aussi, de ces moines qui, avec leurs humbles moyens, ont tracé leur sillon en terre musulmane, à l’image de Charles de Foucauld un siècle auparavant. S’enracinant dans le sol algérien, jusqu’à payer ce choix de leur vie.



Bande Annonce Des Hommes et des Dieux de Xavier Beauvois
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La liste est longue des raisons qui vous pousseront à aller voir, si ce n’est déjà fait, « Des hommes et des dieux » : du patient acharnement de son producteur et co-scénariste, Etienne Comar, à accoucher de ce film, jusqu’à la mise en scène sobre et limpide proposée par Xavier Beauvois, en passant par le jeu (mais que le mot sonne mal !) de ses acteurs.

Car ces hommes, devant la caméra, ne jouent pas. Ils « sont ». Lambert Wilson, Michael Lonsdale et leurs compagnons, qui ont passé, avant le tournage, plusieurs jours à l’abbaye de Tamié (Savoie) pour s’imprégner de leur rôle, sont troublants de vérité (plus que de réalisme…) dans leur interprétation.

Chaque scène nous donne à plonger dans une pâte profondément humaine : le travail des frères, leur vie de prière, leur présence auprès de la communauté villageoise musulmane, leur attitude face aux terroristes ou à l’armée, le doute ou la foi qui anime chacun…

L’œuvre évite tous les écueils du genre : poignante mais ne donnant pas dans le pathos, incarnée mais également empreinte de spiritualité, qui interroge mais sans verser dans la polémique. D’où vient alors que ce film parle à tous, croyant ou non, chrétien ou autre ? Peut-être parce qu’il offre à chacun d’explorer cet intime dans lequel ont puisé les frères pour répondre, en conscience et dans la foi, à la question de savoir s’il fallait rester ou partir de Tibhirine.

Pierre-Olivier Boiton

« Des hommes et des dieux », film français, 2 heures, en salle depuis le 8 septembre.