«Un socle dans l’adversité, le chômage, les contrats courts… »
Étudiant assez impliqué dans sa communauté chrétienne, Baptiste s’est peu engagé au début de son activité professionnelle par manque de temps et d’envie. Quelques années après, à la faveur d’une rencontre avec son ancien aumônier d’École, il a rejoint une équipe Jeunes Professionnels (JP) du MCC nouvellement créée. Il se rappelle ce que cela a alors représenté pour lui.
« Faire halte. Dans le tumulte de nos vies pressées, j’appréciais ce temps de pause. Certes, le jour même, je me disais que j’avais plein d’autres choses à faire autrement plus importantes… Mais, passé ce moment, je sortais toujours très heureux et nourri de ce temps de pause, un peu « hors du temps ». J’appréciais de prendre le temps de relire ce qui s’était passé depuis notre dernière rencontre, de me poser sous le regard de Dieu et de nourrir ma foi, en partant des situations que je vivais au quotidien et notamment au travail.
La vie d’équipe. Elle est pour moi un élément fondamental de mon expérience de la spiritualité du MCC. C’était d’abord prendre le temps d’accueillir chacun, d’écouter et recevoir ce que l’autre voulait me partager : apprendre à écouter l’autre, sans l’interrompre, en ménageant des temps de silence. C’était aussi pour moi l’occasion de prendre le temps de partager en profondeur ce qui m’animait, m’obliger à dire « je » et partager en vérité. Fort de ces partages, mon équipe était et reste aujourd’hui un socle, dans la joie et l’adversité – je pense notamment aux périodes de recherche d’emploi. Cette manière d’être aux autres me nourrit aussi dans ma vie professionnelle, avec mes collègues et mon équipe. J’essaye ainsi de prendre le temps d’être disponible et à leur écoute, de savoir leur faire exprimer ce qui les anime.
La force de l’appel. Mon expérience enfin de la spiritualité du MCC, c’est aussi la force de l’appel. On m’avait demandé de prendre des responsabilités au sein de l’équipe d’animation JP sur mon secteur. J’étais plus précisément le référent des équipes JP de mon secteur géographique. À une époque où j’enchaînais les contrats courts, et où je cherchais un peu ma voie, j’avais été très touché de cet appel – « Voilà, on a pensé à toi pour le mouvement parce qu’on pense que tu peux y contribuer à ta manière ». Et très heureux d’y répondre favorablement et de vivre quelques belles années d’animation ! »
[/Baptiste, 35 ans, en équipe à Paris/]
« Spiritualité du pouvoir ? Ne pas vouloir être comme un dieu »
Henri et Maylis Deries ont eu la chance, ou plutôt la grâce, de partager en équipe la scène du lavement des pieds (Jn 13, 1-16). Ce texte a éclairé, mieux, illuminé, toute leur vie : ils expliquent en quoi il est, selon eux, au cœur du message évangélique.
« Le premier geste de Jésus est de témoigner à ses amis, et avec quelle humilité, qu’il est à leur service. Ainsi, servir ceux qui sont dans le monde, c’est la première façon de les aimer. Se mettre au service des autres, accomplir des tâches quotidiennes souvent obscures et aussi des actes exceptionnels, donner de sa personne sans compter ni attendre de retour, voilà ce que Jésus attend de ses frères chrétiens. Nous avons constaté au cours de notre vie, qu’il y a là la première et peut-être la plus puissante démarche d’humanisation de notre monde à laquelle nous sommes tous appelés.
Dans le contexte de l’époque, le geste de Jésus était inimaginable et est encore aujourd’hui difficile à admettre : Jésus, “Maître et Seigneur”, accomplit pour eux la tâche réservée au serviteur des serviteurs, à l’esclave. Ce faisant, il révèle une nouvelle façon d’exercer le pouvoir ou plutôt lui donne sa pleine signification : le pouvoir est un service à rendre à la communauté.
Exercer le pouvoir dans une telle perspective permet de mieux percevoir le bien commun de tous, de mieux prendre en compte tous les enjeux des décisions à prendre, d’être plus facilement équitable envers chacun, d’être prêt à accepter tout changement bénéfique à tous et le moment venu, de laisser le pouvoir à un autre, sans regret ni amertume, en espérant seulement avoir fait de son mieux pour servir. Bien sûr il peut y avoir des moments de doute ou des erreurs dans les décisions, mais comme pour tout engagement, le plus difficile pour celui d’être au service est de commencer : les choix se clarifient alors.
Dans cette perspective aussi, les détournements et abus de pouvoir apparaissent plus clairement : le pouvoir est dévoyé lorsqu’il est exercé pour s’attacher ses enfants et non les aider à devenir autonomes, lorsque qu’il est exercé avec pour principal objectif de plaire, d’être maintenu à son poste, d’être réélu, ou pour faire carrière, favoriser une faction au détriment des autres, s’assurer la main mise sur des biens matériels, paraître, etc. Et le plus grand de ces abus n’est-il pas, en définitive, de vouloir être comme un dieu ? »
[/Henri et Maylis Deries, 81 et 80 ans, en équipe à Pau depuis plus de 50 ans /]
« Nos mises à nu volontaires se déploient grâce aux silences respectueux »
« Qui parle sème qui écoute récolte ». Marie-Charlotte Fauduet aime citer Pythagore pour résumer efficacement la spiritualité qui anime son équipe. Chez Fête vos jeux, l’écoute est un rite scrupuleusement respecté et transmis. Après la présentation du thème, les dix équipiers prennent la parole sans être interrompu, à tour de rôle.
« Un parle, neuf écoutent, soit environ huit minutes d’élocution pour soixante-douze d’audition. C’est dire combien l’écoute incarne le cœur de notre vie d’équipe. Ce temps est d’abord celui d’une pause, où notre esprit et notre corps sont loin du tumulte de nos préoccupations quotidiennes. Il s’agit d’être disposé à accueillir la parole de l’autre, moment riche et exigeant. Les réunions que j’ai le moins appréciées sont bien celles où j’ai été peu présente à la parole de mes coéquipiers car trop préoccupée. Or cette présence est indispensable pour saisir les intonations aussi bien que les silences et recevoir ainsi le témoignage des coéquipiers dans toute leur force.
Ce temps d’écoute est aussi émerveillement, celui d’entendre la confiance qui nous est donnée comme la volonté d’œuvrer au bien. Voir Dieu à l’œuvre chez chacun de nous est une source de joie inépuisable et motrice. Nous avons coutume de décrire aux nouveaux arrivants Fête vos jeux comme un cercle d’intimité, comparable à aucun autre, car nos mises à nu restent volontaires et se déploient grâce aux silences respectueux. Quel cadeau précieux d’en être le témoin ! L’écoute renouvelée sans cesse permet d’apprécier le chemin parcouru par chacun : des envies qui prennent corps dans des décisions, des doutes qui se dissipent. Écouter est bien s’émerveiller du travail fécond du Seigneur.
Mais ce temps d’écoute ne saurait être que passif. Il est une chose de recevoir la vérité de nos co-équipiers dans la bienveillance, il en est une autre de se laisser toucher. Que me dit l’autre de moi-même ? La parole confiée en équipe n’est pas argumentation pour convaincre, mais expérience et réflexion pour partage en nourriture. Entendre l’autre, en particulier dans sa différence, c’est accepter de voir ses propres lignes bouger avec une puissance infinie. Et c’est aussi entendre, parfois des mois plus tard, que le fruit que nous avons osé confier a germé chez d’autres ».
[/Marie-Charlotte Fauduet, 33 ans, équipe Fête vos jeux-Paris/]
« Avec un regard bienveillant sur nous-mêmes nous nous laissons façonner… »
Membres du MCC depuis six ans, Céline et François Chevaux ont accepté à l’issue du dernier Congrès de prendre la responsabilité du secteur de Rouen-Elbeuf, après trois ans passés comme responsables d’équipe. Ils expliquent ce qu’ils doivent à la spiritualité ignatienne.
« Nous accordons beaucoup d’importance à la structuration de nos réunions qui nous permet de cadrer la réflexion, d’apporter du recul et de remettre l’Évangile au cœur de nos préoccupations. Ainsi, au fil des réunions, nous développons l’écoute, la bienveillance, le respect mutuel, le parler en « je ». Nous vivons ainsi chaque réunion comme un moment heureux de partage et d’échange en vérité. Nous nous laissons toucher et façonner par la spiritualité vécue au MCC, à l’image des paroles du chant « comme un souffle fragile, ta parole se donne, comme un vase d’argile, ton amour nous façonne ».
Dans le cadre de notre travail, le MCC nous invite à considérer la personne non pas uniquement à travers son statut ou sa fonction mais telle qu’elle est. Nous essayons ainsi d’avoir une relation authentique, respectueuse de l’autre. Cela passe aussi par l’écoute de soi-même pour pouvoir se rendre disponible et vivre pleinement le temps présent.
La spiritualité ignatienne nous incite pour cela à avoir un regard bienveillant sur notre vécu quotidien pour repérer ce qui nous rend heureux. Cet exercice nous permet progressivement de lâcher prise et (re)prendre confiance en nous. En quelques années, le MCC nous a beaucoup apporté, tant personnellement que professionnellement. Aussi, nous ne doutons pas que cela continuera, en particulier dans le cadre de notre nouvel engagement pour le mouvement ».
[/Céline et François Chevaux, 37 et 35 ans,
responsables du secteur de Rouen-Elbeuf, équipe Saint-Martin/]