À l’approche des élections européennes, nous publions la dernière déclaration de l’association Initiative des Chrétiens pour l’Europe (IXE), association qui vise à favoriser la rencontre des chrétiens en Europe et à promouvoir la doctrine sociale de l’Église afin de parvenir à une meilleure connaissance et compréhension mutuelles des différences historiques et culturelles.

L’Europe à la veille des élections : voter pour la démocratie et la dignité humaine

Montrouge, le 20 mars 2024

Disposer d’un véritable choix est l’un des avantages majeurs de la démocratie. Cette année, les électeurs de l’UE décideront de la composition du Parlement européen, indirectement aussi des principaux candidats à la tête de la Commission désignés par les familles politiques, et marqueront ainsi le paysage politique des cinq prochaines années. En tant que réseau chrétien, IXE – Initiative des chrétiens pour l’Europe – se mobilise pour que les électeurs se rendent aux urnes du 6 au 9 juin 2024 et prennent une décision responsable dans l’intérêt de la paix et de la dignité humaine.

De nombreuses réalisations cruciales et sans précédents ont été accomplies au cours de la dernière législature : l’Union européenne a fourni et distribué des vaccins à tous les États membres, indépendamment de leur richesse, et a surmonté la pandémie, y compris en termes économiques. La législation sur le Green Deal a été adoptée, marquant un nouveau départ dans la politique climatique. L’UE a apporté un soutien massif à l’Ukraine dans le contexte de la guerre d’agression russe. Les solutions en matière de politique migratoire ont fait l’objet de débats, mais un terrain d’entente a été trouvé avec la version finale du pacte sur l’asile et la migration. Toutefois, les défis restent immenses. Le dialogue avec les citoyens doit se poursuivre.

C’est pourquoi les élections ne doivent pas être réduites à un acte de protestation : il s’agit de choix politiques. Le résultat des élections est la condition préalable à la poursuite de l’intégration européenne au cours des cinq prochaines années. Après les élections, nous avons besoin de majorités parlementaires qui reconnaissent la dignité de l’être humain et la solidarité. L’UE fait du développement durable et de la subsidiarité des principes fondamentaux, défend l’État de droit et s’oppose au nationalisme, à la discrimination et à l’isolationnisme. Comme l’UE a une influence majeure sur plusieurs domaines politiques, les électeurs décident de la direction que prendra le continent. L’une des questions clés est de savoir comment l’Europe maîtrisera les conditions géopolitiques difficiles.

La protection des personnes persécutées et craignant pour leur vie est exigée par le droit fondamental et international et ne doit pas être mise en cause. D’un point de vue chrétien, nous encourageons la solidarité avec toutes les personnes contraintes de quitter leur pays, en particulier les réfugiés. Les violations des droits de l’homme aux frontières extérieures de l’UE sont intolérables. Les refoulements doivent cesser. Nous devons ouvrir de nouvelles voies d’accès légal à l’Europe. Le nouveau régime d’asile européen commun doit encore faire ses preuves. Une certaine extension de la répartition solidaire des réfugiés a été réalisée afin d’assumer conjointement la responsabilité des personnes en quête de protection et le fait de ne surcharger aucun État.

En matière de politique climatique, la fenêtre d’opportunité se referme pour atteindre les objectifs climatiques de Paris et contenir une nouvelle aggravation de la crise climatique. Nous appelons donc à un accord rapide sur l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 90 % par rapport aux niveaux de 1990, d’ici 2040. Avec une politique climatique cohérente, l’UE doit mettre en place et maintenir des incitations fortes pour la transformation socio-écologique dans tous les secteurs afin non seulement d’atteindre l’objectif intermédiaire de 55 % pour 2030, mais aussi de le dépasser si possible. Elle doit garantir des chaînes d’approvisionnement viables pour les matières premières essentielles telles que le lithium, et s’efforcer de les rendre équitables et résilientes. Nous demandons que la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, qui n’a pas pu être adoptée par les États membres, soit relancée et couronnée de succès[1]. La politique climatique et la réduction de la pauvreté doivent aller de pair : L’UE et les États membres doivent fournir un soutien social afin qu’aucune région ou personne ne soit laissée pour compte lors de la décarbonation. Une bonne politique climatique crée un équilibre social, protège les vies humaines, favorise l’indépendance vis-à-vis des combustibles fossiles et accroît ainsi la sécurité tout en tenant compte de la compétitivité internationale de l’Europe.

En cette décennie où des autocraties émergent, et se consolident en ébranlant les principes démocratiques en Europe et dans le monde, l’Europe doit rester ferme. Pour le bien commun, la démocratie en Europe doit être protégée contre les attaques et la désinformation venant de l’extérieur à l’approche des élections du Parlement européen, y compris l’utilisation abusive de l’intelligence artificielle. À l’avenir, les nouvelles technologies devraient être réglementées d’une manière compatible avec la démocratie et les droits fondamentaux. La loi sur l’intelligence artificielle en est un bon exemple. L’UE est devenue un précurseur en matière de protection numérique et doit faire avancer la transformation numérique en permettant la participation et les droits numériques pour tous.

En tant que chrétiens, nous sommes familiers de l’ambition de l’unité dans la diversité que les gouvernements des États membres de l’UE doivent laborieusement mettre en pratique à maintes reprises. Nous sommes conscients que les sociétés modernes sont de moins en moins capables de justifier les valeurs sur lesquelles elles se fondent et nous sommes prêts à nous engager dans un dialogue sur les valeurs et l’identité européennes communes.

En tant que croyants, nous voulons jouer un rôle actif dans l’accomplissement des tâches qui nous attendent. Cela s’exprime non seulement dans un choix comme chrétien au moment des élections, mais aussi dans l’engagement quotidien de l’Église. Dans les sociétés européennes, nous nous engageons à toujours placer le bien commun au centre de l’action politique. Nous nous opposons aux forces centrifuges et à l’aliénation sociale, nous vivons la subsidiarité et la solidarité et nous résistons à une mondialisation de l’indifférence et de la résignation. Pour nous, une chose est sûre : le succès électoral des extrémistes de droite et autres populistes nationalistes mettrait en péril l’avenir de l’Europe. Nous rappelons donc l’objectif de l’Union européenne, que le pape François a également mis en valeur, dans le traité de Lisbonne, lors de sa visite dans cette capitale : « L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples. Dans ses relations avec le reste du monde, elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la Terre, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l’élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l’homme »[2] (2).

Signataires :

  • Josian Caproens, BELGIQUE, Conseil pastoral interdiocésain (IPB) / Forum européen des comités nationaux de laïcs (ELF).
  • Raphael de Araújo Bittner, ALLEMAGNE, Zentralkomitee der deutschen Katholiken.
  • Isabelle de Gaulmyn, FRANCE, Semaines Sociales de France.
  • Dr Stefan Eschbach, ALLEMAGNE, Zentralkomitee der deutschen Katholiken.
  • Dr Roman Fihas, UKRAINE, Institut d’études œcuméniques, Lviv.
  • Claudia Gawrich, ALLEMAGNE, Zentralkomitee der deutschen Katholiken
  • Janko Korošec, SLOVÉNIE, Socialna akademija.
  • Norbert Kreuzkamp, ALLEMAGNE, Acli Allemagne.
  • Mary McHugh, ROYAUME-UNI, National Board of Catholic Women of England and Wales & RENATE (Religious in Europe Network Against Trafficking and Exploitation).
  • Petr Mucha, RÉPUBLIQUE TCHÈQUE, Académie chrétienne tchèque.
  • Théo Péporté, LUXEMBOURG, Journées sociales de Luxembourg ASBL.
  • Neven Šimac, CROATIE, Centre d’études et de documentation européennes R. Schuman.
  • Sabine Slawik, ALLEMAGNE, ANDANTE. Alliance européenne des associations de femmes catholiques.
  • Marie Louise van Wijk-van de Ven, PAYS-BAS, Réseau des femmes catholiques des Pays-Bas.
  • Henryk Woźniakowski, POLOGNE, Fondation Znak pour la culture chrétienne.

 

Pour plus d’informations : christiansforeurope.com et semaines-sociales@ssf-fr.org

[1] « Les gens avant les profits : inclure le secteur financier comme levier dans la directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité » https://christiansforeuropecom.files.wordpress.com/2023/09/230925-ixe-statement-csddd.pdf

[2] « Rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique UE. Discours de sa Sainteté » : https://www.vatican.va/content/francesco/en/speeches/2023/august/documents/20230802-portogallo-autorita.html