« Après la loi bancaire et les autres réformes en trompe l’œil du secteur financier, cette question est à nouveau posée à celui qui s’était dressé contre la finance : François Hollande doit dire pourquoi il n’a pas coupé les banques en deux, alors qu’il s’y était engagé… » A la fin du livre écrit par trois journalistes économiques, la question reste en suspens, car le Président ne dit toujours rien, pensant sans doute ne pas avoir à justifier les marches arrières quant à des promesses auxquelles il ne croyait sans doute pas…


Comme le suggère Gaël Giraud en l’introduction de l’ouvrage, c’est peut-être parce que le « modèle » de la banque mixte qui mélange activités de marché et celles de crédit-dépôt « fournit l’essentiel des revenus qui permettent les bonus indécents que se versent dirigeants et opérateurs financiers », grâce à la garantie publique.

Dans la première partie du livre, nous suivons les pressions des banques, mais aussi des fonctionnaires de Bercy qui édulcorent tout ce qui, dans le projet de loi de séparation bancaire, pourrait gêner le lobby bancaire. C’est ainsi que la loi ne change pratiquement rien pour les banques, seul 1 % de leur activité devant être filialisé (aveu du Président de la Société Générale devant la commission de l’Assemblée Nationale)… et cette débâcle en annonçait d’autres (traitement des créanciers en cas de sauvetage, taxe sur le trading haute fréquence…)

Essayons de comprendre les raisons de cette occasion gâchée, c’est l’objet de la fin du livre : Tout d’abord, depuis les années 80, un vent libéral souffle sur Bercy, La haute finance et la haute administration se rapprochent, notamment grâce aux très nombreux « pantouflages » de hauts fonctionnaires. Ce sont aujourd’hui ces « doctes » fustigés par Nietzsche : « Ils se présentent tous comme des gens qui auraient… atteint les opinions propres en vertu du déploiement d’une dialectique froide, pure… alors qu’ils défendent au fond… un principe posé d’avance » et ce présupposé s’appelle le marché. Ils prônent la flexibilité du travail, les dérivés du crédit (CDS), diminuent les exigences de fonds propres des banques, se désintéressent du tissus industriel… « 300 à 400 personnes ont réussi à manipuler l’Etat pour le mettre au service de la défense de leurs seuls intérêts ». Est-il trop tard pour rectifier la trajectoire ? Ces trois journalistes proches, semble-t-il, de la gauche, pourraient-ils être entendus ?

Bernard Chatelain

Mon amie c’est la finance ! Comment François Hollande a plié devant les banquiers

Adrien de Tricornot, Mathias Thépot, Franck Dedieu, Introduction de Gaël Giraud, 196 pages Bayard – 17 €