Ville creuset, Marseille accueille depuis la nuit des temps des vagues migratoires, hier Grecs et Gênois, depuis et entre autres, Italiens, Arméniens, Comoriens, Maghrébins, etc. Cosmopolite, elle est bien placée pour vivre le dialogue islamo-chrétien, thème proposé par l’une des quinze veillées du samedi soir au rassemblement ignatien marseillais.

Lors de cette veillée, nul débat d’idées entre experts mais la présentation d’une foule d’initiatives locales et concrètes, porteuses d’un dialogue enrichissant et venant dégrossir les préjugés, par les artisans eux-mêmes de ces rapprochements, au premier rang desquels la sœur xavière Colette Hamza, directrice de l’Institut de sciences et théologie des religions (ISTR) dans la cité phocéenne, ardente promotrice de la construction de « l’estime de la foi des autres » entre mondes chrétien et musulman.

Sur scène défilent de nombreux acteurs dont Fatiha, membre d’un groupe de femmes chrétiennes et musulmanes qui se rencontrent alternativement dans un lieu chrétien puis musulman, pour découvrir la foi de l’autre. Chaque fois, après un temps de silence, un tour de table a lieu sur un thème choisi. Suivent des échanges puis un buffet partagé. Pour elle, l’écoute mutuelle permet de dissiper les malentendus. Un film présente ensuite les « rencontres de Saint-Maur » entre croyants des deux religions habitant le quartier du même nom, chaque fin d’année. On y cultive l’esprit de tolérance et le regard des voisins évolue au fil des rencontres. Deux professeurs se présentent alors pour expliquer comment ils se challengent en échangeant leurs rôles : « moi je parle de Jésus et toi tu parles de Mohamed » raconte le professeur d’arabe d’un collège constitué à 97 % d’élèves musulmans. Succès garanti dans l’assistance.

Puis c’est le tour d’un prêtre, originaire de Namur, incardiné à Marseille et d’un théologien musulman. Ensemble, ils retracent l’histoire du groupe de rencontre de prêtres et imams dont ils font partie. Tous les deux mois, ils se réunissent autour d’un thème préparé par un binôme. Par exemple « la place de la prière dans notre vie », « la sainteté dans nos traditions » ou, plus délicat, « une religion peut-elle évoluer ? », « le mariage pour tous.. ? ». Régulièrement, ils publient des messages communs, comme après les attentats de Nice, l’assassinat de Samuel Paty ou encore à l’occasion des débats sur la loi confortant le respect des principes républicains (dite loi contre le séparatisme). Au cœur de ces dialogues et rencontres, est chevillée la certitude que chacun peut se déplacer et « se convertir plus vers Dieu », que « le vivre-ensemble est une nécessité vitale dont dépend notre avenir ». Qu’il faut « aménager notre maison commune pour que Dieu puisse se sentir bien chez lui ».

La veillée s’achève sur un temps de prière partagé. Elle s’était ouverte sur des saynètes jouées par des élèves du collège Saint-Charles évoquant avec humour quelques stéréotypes envers les adeptes des deux religions monothéistes. Petit florilège : « un chrétien, un athée, c’est kif kif », « un chrétien, ça ne se voit pas, aucun interdit, aucune règle, vous faites ce que vous voulez »… Bravo les minots pour ces répliques pleines de fraîcheur, le dialogue interreligieux a de beaux jours devant lui !

Marie-Hélène Massuelle, responsable éditoriale