Alors que la fin de la période étrange du confinement se profilait, le Bureau National du Mouvement a souhaité collectivement, une fois n’est pas coutume, exprimer dans une tribune son état d’esprit à l’issue de ces mois éprouvants. Cette tribune, que nous reproduisons ci-après, nous invite, cadres chrétiens en responsabilité, à nous positionner en cette période de grave crise sanitaire et sociale et à nous mobiliser dans les mois et années à venir pour le bien commun dans un esprit constructif et de fraternité.

“Notre pays a vécu au cours des trois derniers mois une situation exceptionnelle, en raison de la crise sanitaire due à la propagation du Covid-19 au sein de l’hexagone. Cette situation se prolongera très certainement au cours des mois qui vont suivre. C’est une période qui a vu un foisonnement assez intense en termes de propositions de solutions immédiates, de propositions parfois radicales de changements et d’appels à des transformations pour ce qui est déjà appelé le « monde d’après ». Ce foisonnement de réflexions et d’initiatives est rassurant car il démontre qu’il y a heureusement dans notre pays une véritable liberté d’expression.

Au cœur de ce foisonnement, des prises de paroles assez virulentes ont pu être exprimées, parfois dans le but de promouvoir une cause assez éloignée des problématiques sanitaires qui se posaient. Forcément les critiques ont été nombreuses envers nos gouvernants, sur ce qui aurait dû être fait pour éviter une telle crise et sur ce qui devrait l’être pour tirer les leçons de ce qui a été vécu.

Certes notre proche avenir sera difficile et source de tensions notamment sur les bassins d’emplois en souffrance, mais nous sommes tous appelés à nous mobiliser, en tant que chrétiens porteurs d’espérance,  acteur de transformation dans nos vies professionnelles,  dans ces futurs débats sur les choix de société, dans la quête de cohésion sociale de ce temps d’après.

Dès lors, quelles sont nos responsabilités en tant que cadres chrétiens au cœur de cette crise ? 

En ces temps de crise, les Cadres et dirigeants chrétiens  s’interrogent sur les évolutions majeures de notre temps, notamment dans le monde du travail. Ce fut d’ailleurs l’idée des Journées de rentrée organisées par le MCC en septembre 2019 sur le thème « Engagés dans les transformations ».

Nos responsabilités en tant que chrétiens peuvent dès lors être de plusieurs ordres.

Aujourd’hui un premier débat porte sur la ségrégation suite aux évènements de Minneapolis, mais la France n’est pas les Etats-Unis. Comme tous les autres peuples nous avons notre histoire, nos exclusions, nos erreurs, mais notre pays est d’abord terre de brassage, d’accueil des différences. Le chemin est long, parfois semé d’embûches, nous devons travailler à cette quête de fraternité, parce que les chrétiens que nous sommes doivent travailler sans relâche à cette union en frères.

Le débat sur l’Eglise de demain nous a beaucoup mobilisés ces derniers mois, nous y voyons une tentative d’ouverture, d’un dialogue constructif. C’est quand  l’Eglise est dans le monde et pas seulement dans les paroisses, qu’elle devient force de rassemblement, force de cohésion.  Aller à la rencontre impose d’inventer, de développer des lieux d’écoute, de partage en confiance. Les mouvements d’Eglise accompagnent chaque jour à cette transformation du monde. Nous aspirons à cette évolution et l’Allemagne nous en donne l’exemple notamment au travers de son synode national, qui aborde des questions brûlantes comme la morale sexuelle, le rôle des femmes, l’exercice du pouvoir et les voies de recours contre les abus, le célibat des prêtres.

Nous avons une responsabilité pour participer à des débats apaisés au sein de notre société. Partager ces réflexions en écoutant les autres et en restant dans le dialogue, sans chercher de coupables et en réagissant de façon réfléchie et maitrisée aidera à garder son calme en période de tempête et contribuera à un débat serein et constructif.

Nous avons une responsabilité, qui nous impose une certaine humilité et une certaine confiance envers nos dirigeants, pour accepter des décisions qui pourraient nous sembler injustes et nous toucher au cœur de nos vies personnelles, professionnelles et parfois spirituelles. Plus que jamais dans ces périodes troublées, notre rôle de citoyen est de s’informer et de participer aux débats de société pour éviter les prises de position caricaturales et au profit de positions et d’intérêts personnels.

Les témoignages des membres de nos équipes tout au long du confinement ont révélé les nombreux contrastes entre un élan de solidarité, un souffle de générosité, de nouvelles opportunités d’échanges mais aussi la distance sociale, l’accentuation de la vulnérabilité, les décrochages. Les constats de clivages entre capacité d’agir en liberté et risque d’infantilisation, entre l’abondance des innovations sur le plan spirituel de certaines paroisses et le sentiment d’abandon, faute de moyen d’accès à la communication à distance.

Nous avons une responsabilité envers les fragilités et les urgences provoquées ou mises en avant par cette crise. Tout d’abord envers les urgences sanitaires, en redonnant au personnel soignant sa juste valeur et sa vraie place. Envers les urgences humanitaires et écologiques qui nous appellent à être encore plus solidaires envers les populations les plus défavorisées et à repenser de façon nos modes de production et de consommation comme Laudato si‘ nous y invite. Les urgences sociales devront être également au cœur de ce monde d’après. Les personnes en situation de vulnérabilité devront également être accompagnées pour qu’elles ne soient pas sacrifiées sur l’autel de la reconstruction. Enfin, les urgences économiques devront attirer toute notre attention, car les restructurations industrielles sont déjà nombreuses et nous ne pourrons nous permettre de faire l’impasse sur des situations éthiques inacceptables.  Il nous faut aussi rester optimistes face à l’avenir et faire preuve de discernement en tant que cadres chrétiens face aux changements que cette crise amène. Cette crise ouvre de nouvelles opportunités qu’il nous sera nécessaire de savoir saisir.

Nous avons enfin une responsabilité en tant que chrétiens pour expérimenter d’autres façons de vivre notre foi. La multitude d’initiatives, messes en lignes, podcasts, site de prières en ligne, retraites en ligne nous ont montrés que nous sommes capables de redécouvrir d’autres manières de vivre notre vie spirituelle, sans forcément nous rendre sur nos lieux de culte. Savoir vivre notre spiritualité de façon plus intérieure, notamment sur notre lieu de travail, et en faisant l’exercice de relecture indispensable nous aidera dans ce monde d’après dans notre vie professionnelle.

Dans ce nouveau monde, le MCC saura être un lieu privilégié en apportant une écoute amicale et attentive, aux difficultés auxquelles nous serons confrontés. C’est dans cette optique d’ailleurs, que le Mouvement proposera, lors de son congrès qui aura lieu les 20 et 21 mars 2021 à Nantes, de réfléchir sur le thème « Passeurs d’avenir, au cœur des transitions ». Afin de partager plus largement les transitions et ruptures à l’œuvre, de comprendre et de s’approprier les articulations entre elles dans une volonté affirmée de refuser de céder à la tentation du « défaitisme » ou de se laisser submerger par l’alarmisme ambiant, nous lancerons en septembre, une démarche de réflexion collective et responsable, en réseau, autour de parcours d’équipes que nous appellerons « passages ». Ces passages porteront notamment sur les transitions économiques, climatiques, sociales et numériques. Ainsi, une plateforme participative, d’échanges (conférences en ligne, vidéos, forum d’échanges, remontée de travail d’équipes, témoignages, enquêtes, …) nous permettra de murir nos raisons d’espérer et d’agir pour demain.

Plus que jamais, nous avons la lourde responsabilité d’être acteur de progrès, de cohésion et de fraternité dans ce « temps d’après »”.

Le Bureau National du MCC