Christine Danel, religieuse xavière, « facilitatrice » durant le synode sur la synodalité qui s’est tenu à Rome du 4 au 29 octobre 2023, répond – à l’issue de ce synode – aux questions de Dominique Quinio. De nombreux points communs avec le processus de réflexion engagé par le MCC…

Vous étiez facilitatrice au cours du Synode des évêques sur la synodalité qui vient de se clore à Rome. Expliquez-nous en quoi consistait ce rôle ?

Les facilitateurs et facilitatrices, présents à chaque table, devaient aider à ce que soit bien menée la conversation dans l’Esprit ; ils étaient garants du temps, de la répartition équitable d’une parole libre, des moments de silence à respecter. Ils permettaient au groupe d’avancer dans la méthode – qui n’est pas une méthode, d’ailleurs, mais une expérience à vivre. Les tables étaient organisées par langue et par thème. J’ai donc rencontré successivement des groupes francophones variés, qui avaient choisi tel ou tel thème et qui pouvaient venir d’Afrique, du Canada, de Belgique, du Luxembourg, d’Allemagne… Ce qui m’a touchée, c’est que tous, cardinaux, évêques ou laïcs, sont bien entrés dans la méthode.

Il faut dire que les trois jours de retraite qui ont précédé les travaux ont permis une attitude d’écoute, de disponibilité intérieure. Les attentes, les peurs, l’expérience spirituelle de chacun ont pu s’exprimer dans un climat de confiance mutuelle. Ce processus permet d’élaborer, malgré la diversité des cultures et des expériences, quelque chose de commun.

Comment ?

Un point essentiel : ce processus implique que chacun ait travaillé en amont, se soit préparé. Nous avions un premier tour d’écoute de 4 minutes de parole pour chacun. Au deuxième tour, on revenait sur ce qui nous avait touchés dans l’intervention de l’autre. Et le troisième tour permettait de retenir les axes les plus forts, de relever les convergences, les divergences, les propositions, les sujets à approfondir. C’était un temps d’échange pour bien mûrir ce qui devait être transmis à l’assemblée par le rapporteur (élu à la majorité absolue) et se mettre d’accord sur le contenu et la forme de ce texte.

Une méthode très démocratique, finalement ?

Oui, je parlerais plutôt d’une vraie fraternité, personne ne pouvait prendre le leadership du groupe.

Les femmes, les laïcs s’exprimaient librement ?

Oui, cela a bien fonctionné, j’en suis témoin. En fonction des sujets, les participants pouvaient ne pas avoir la même implication personnelle (si l’on est un évêque et que l’on parle des évêques, une femme et qu’on évoque le rôle des femmes…). Cela pouvait être plus compliqué s’il y avait deux membres d’un même pays, un cardinal et une religieuse par exemple : elle pouvait se sentir moins libre. Ce fut peut-être plus difficile pour les tables anglophones (la moitié des tables) : une moins bonne maîtrise de la langue pouvait compliquer la prise de parole.

Au-delà de cette expérience que vous nous faites partager, que pouvons-nous retenir du contenu de la synthèse finale ? Devons-nous en être heureux ou déçus ?

J’ai envie de vous renvoyer la question ! Nous sommes engagés dans un processus, comme sur un lourd paquebot qui se met en route. N’en restons pas à une éventuelle frustration. Les participants ont vécu une expérience. C’est déjà un fruit très positif. Les sujets ont été posés sur la table (les femmes dans l’Église, la place des plus pauvres, les identités sexuelles). Ces sujets jusqu’ici n’étaient abordés que dans les couloirs. Là ils ont été exposés, en partant de témoignages et d’expériences vécus. On n’en est pas resté à la théorie. Nous sommes sur un chemin de discernement : il s’agit d’abord de poser les vraies questions – et elles ont été posées dans le document, de façon réaliste. Des portes ont été ouvertes sur la gouvernance, le travail des évêques, la formation des prêtes. La place des femmes, la place centrale des plus pauvres ont été rappelées. Des propositions concrètes ont déjà été faites mais les grands chantiers pour des décisions sont encore à venir. Alors oui, on peut être déçu que cela n’aille pas assez vite, mais n’oublions pas qu’il faut avancer avec des diversités culturelles différentes. Le document final en témoigne ; il faut les intégrer. Ma perception, c’est que les mères et pères synodaux se sont laissé toucher et ont exprimé, certes, des opinions différentes, mais ils ont aussi entendu les raisons de ceux qui ne pensent pas comme eux. Cette attitude très fraternelle, joyeuse, est un signe qu’on est sur le bon chemin.

 

Christine Danel est aujourd’hui supérieure générale de la Xavière et membre du conseil de la CORREF (Conférence des religieux et religieuses en France).

Cet entretien est reproduit avec l’aimable autorisation de Promesses d’Église. Dominique Quinio a été directrice de La Croix de 2005 à 2015. Elle est présidente d’honneur des Semaines Sociales de France, membre de Promesses d’Église.