Aujourd’hui, la pauvreté s’aggrave en France. Et elle touche en premier les femmes. C’est ce qu’a montré le rapport « État de la pauvreté 2023 »[1] du Secours Catholique, à partir du million de personnes en situation de pauvreté que nous rencontrons chaque année – dont près de la moitié sont des enfants.

Le contexte de forte inflation sur l’alimentation et l’énergie a mis à mal des budgets déjà très serrés. Parmi les personnes que nous accueillons, le niveau de vie médian a baissé de 7,6 % en un an, pour s’établir à 538 € par mois en 2022, soit 18 € par jour. Une fois payés le loyer, l’électricité, les assurances, la téléphonie… il reste souvent moins de 5 € par jour et par personne. Pas de quoi manger trois repas dans la journée. Alors, il faut se priver, prendre sur soi pour faire appel à l’aide des associations, et rogner encore, même sur l’essentiel.

Les femmes sont en première ligne. En 2022, elles représentaient 57,5 % des adultes rencontrés, contre 51 % en 1989. Celles qui ont des enfants sont particulièrement touchées. Plus d’un quart des ménages que nous rencontrons sont des mamans « solo ». Leur niveau de vie médian (583 €/mois) est nettement en deçà du seuil de pauvreté extrême (estimé à 807 €/mois en 2022) : les mesures prises en leur faveur restent très insuffisantes.

Neuf fois sur dix, les femmes assument la garde des enfants quand les couples se séparent. Elles portent la charge mentale du quotidien, des courses, de l’école, des repas, des conduites, des soins… En grande précarité, il n’y a jamais de répit. Il faut toujours calculer, recompter, renoncer, répondre aux urgences et supporter la peur permanente du lendemain. Certains responsables politiques croient que ces femmes ne « s’activent » pas assez, qu’il faudrait les « remobiliser » … Qu’ils viennent plutôt à leur rencontre !

Or, les mesures en matière de réforme du revenu de solidarité active (RSA, loi pour le plein emploi) et l’annonce toute récente de l’intention de supprimer l’allocation de solidarité spécifique (ASS), montrent une volonté d’aggraver les conditions de vie des plus précaires : certains responsables politiques cherchent à rendre les pauvres coupables de leur situation de pauvreté. Et le RSA, avec la nouvelle loi dite pour le « plein emploi », devient une allocation versée sous conditions si l’allocataire a réussi son « parcours du combattant » : parvenir non seulement à remplir correctement son dossier, à l’actualiser dans les temps et de façon complète, à chercher du travail, à engranger des preuves de cette recherche, à effectuer bientôt 15 heures d’activité par semaine (en plus de tout ce qu’il y a déjà à faire pour survivre, car vivre dans la pauvreté veut dire que rien n’est facile, que la charge mentale du « comment faire pour y arriver » est constante), … !

Plutôt que de s’acharner à rendre plus difficile la vie des plus pauvres, accusés de ne pas « traverser la rue », comme s’il était facile de trouver un travail quand la vie nous a privé d’emploi depuis des années, le gouvernement ferait mieux de les écouter et de mettre un point d’honneur à mener enfin une politique de création d’emplois, de logements et de lutte contre la pauvreté vraiment ambitieuse.

Daniel Verger, Responsable Accès à l’emploi et aux prestations sociales, Secours catholique – Caritas France

[1] Rapport État de la pauvreté 2023, Secours Catholique.