C’est à Assise que le pape François a rendu publique le 3 octobre la troisième encyclique de son pontificat après Lumen Fidei (2013) et Laudato si’ (2015). Intitulée Fratelli tutti (Tous frères), inspirée par François d’Assise dont il a pris le nom, son message porte sur la fraternité et l’amitié sociale, afin que tous ensemble nous fassions « renaître un désir universel d’humanité » (§8).

Évoquant la pandémie du coronavirus qui nous a fait partager notre commune humanité, le pape commence par citer les obstacles à la fraternité parmi lesquels les conflits, la peur, la globalisation et le progrès sans cap commun, des droits humains pas assez universels, les pandémies et autres chocs de l’histoire ou encore l’absence de dignité humaine aux frontières et l’illusion de la communication au travers des réseaux sociaux. À la recherche d’une « lumière au milieu de ce que nous vivons » (§56), qu’il qualifie de « troisième guerre mondiale par morceaux » (§25), il consacre un 2e chapitre à une parabole racontée par Jésus, celle du bon Samaritain, avec une interrogation pressante :« Allons-nous nous pencher pour nous porter les uns les autres sur les épaules ? C’est le défi actuel dont nous ne devons pas avoir peur » (§70). Dans le 3e chapitre, intitulé « Penser et gérer un monde ouvert », il affirme que personne ne peut « parvenir à reconnaître à fond sa propre vérité si ce n’est dans la rencontre avec les autres » (§87). Et présente quelques pistes d’action : promouvoir le bien moral (§112), pratiquer la solidarité (§114), remettre l’accent sur la fonction sociale de la propriété (§118), établir des droits sans frontières (§121), etc. Les équipiers MCC ne manqueront pas de reconnaître les ressources de la doctrine sociale dans lesquelles ils puisent si souvent !

Dans le 4e chapitre, « Un cœur ouvert au monde », le thème des migrations est abordé. Le pape prône l’instauration de « projets à moyen et à long terme qui aillent plus loin que la réponse d’urgence. Ceux-ci devraient d’un côté aider effectivement l’intégration des migrants dans les pays d’accueil, et en même temps favoriser le développement des pays de provenance par des politiques solidaires » (§132). Dans un 5e chapitre, François ne désespère pas d’une « meilleure politique », celle qui, « mise au service du vrai bien commun, est nécessaire pour permettre le développement d’une communauté mondiale, capable de réaliser la fraternité à partir des peuples et des nations qui vivent l’amitié sociale » (§154). De fait, il déplore les entraves sur le chemin vers un monde différent : les populismes (§156), les limites du libéralisme (§163), l’affaiblissement du multilatéralisme (§170). Pour lui, « la politique ne doit pas se soumettre à l’économie et celle-ci ne doit pas se soumettre aux diktats ni au paradigme d’efficacité de la technocratie » (§177). À nouveau, les équipiers souscriront aux propos du pape : la meilleure politique est aussi celle qui protège le travail, «dimension incontournable de la vie sociale» et qui cherche à assurer à tous la possibilité de développer ses propres capacités (§162).

Parce que, pour nous rencontrer et nous entraider, nous avons besoin de dialoguer, François consacre un 6e chapitre au dialogue et à l’amitié sociale (§ 198). Il nous appelle à construire en commun (§203), fonder des consensus (§206), bâtir une culture de la rencontre (§215) ou encore retrouver la bienveillance (§222). Des parcours de paix, qui conduisent à la cicatrisation des blessures, sont nécessaires en bien des endroits du monde, relève le pape : c’est l’objet du 7e chapitre (§225) « Parcours d’une nouvelle rencontre ». Notre monde a besoin d’« artisans de paix disposés à élaborer, avec intelligence et audace, des processus pour guérir et pour se retrouver » (§225). Enfin, dans un 8e et dernier chapitre, le pape s’attarde sur « les religions au service de la fraternité dans le monde » (§271) : « Un cheminement de paix est possible entre les religions » (§281). L’Église, en particulier, « a un rôle public qui ne se borne pas à ses activités d’assistance ou d’éducation mais qui favorise la promotion de l’homme et de la fraternité universelle » (§276).

En résumé, François ne cantonne pas l’amour aux relations d’intimité et de proximité, mais l’élargit aux « macro-relations : rapports sociaux, économiques, politiques »  (§181), afin que nous nous reconnaissions « comme des compagnons de route, vraiment frères » (§274). Il donne des pistes pour construire concrètement la fraternité, la faire grandir et contribuer ainsi à « guérir le monde », pour reprendre le titre de son cycle des catéchèses sur l’attitude que les chrétiens doivent adopter dans un monde (post-)pandémique (cf. l’analyse du Ceras). Dans ce cycle, initié en août 2020, le pape reprend un à un les principes de Doctrine sociale : il invite à « viraliser l’amour » et à « mondialiser l’espérance » à la lumière de la foi. Le livret « Expérimenter la Doctrine sociale de l’Église avec le MCC », adressé à chaque équipier début septembre, est plus que jamais en phase avec sa pensée !

Marie-Hélène Massuelle, responsable éditoriale

Fratelli tutti

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