En rentrant d’une soirée, la réalisatrice libanaise Nadine Labaki prend conscience d’une réalité grandissante dans la ville de Beyrouth : la présence d’enfants abandonnés à leur propre sort. Pendant quatre ans, elle va les suivre avec la précision d’une documentariste. De 500 heures de rush, elle tire un troisième long-métrage d’une force bouleversante.

Un jeune Syrien de 12 ans, Zain Al-Rafeea, joue presque son propre rôle, avec beaucoup de naturel. Les hasards de la misère lui confient Yonas, un enfant éthiopien âgé de deux ans. Sa mère, Rahil, sans papiers, avait recueilli Zain avant d’être arrêtée. Les deux enfants errent alors dans la ville, tels Les Misérables de Victor Hugo. Ils sont confrontés à toutes sortes de trafics : papiers, stupéfiants et enfants… Zain se résigne à abandonner Yonas pour 400 livres libanaises. Il est rattrapé par sa propre histoire et finit en prison pour avoir vengé sa petite sœur, mariée de force à 11 ans et morte d’une grossesse précoce. Il y retrouve Rahil, séparée de son fils… La violence structurelle des rapports sociaux prend alors la forme brutale d’une prison surpeuplée. Tout se termine pourtant sur une lueur d’espoir : celle d’avoir des papiers et de pouvoir immigrer en Europe.

Prix du jury à Cannes, le film nous renvoie une image déchirante de ce qui se passe à nos portes, et en creux, de la condition des mineurs isolés en France. Un film à voir absolument, sans nos enfants !

Bertrand Heriard

Capharnaüm, 2018, 123 minutes. Sortie en salle le 17 octobre

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