A 75 %, la Convention citoyenne a voté ce dimanche, sans surprise, en faveur d’un changement de la législation afin d’ouvrir l’accès à « l’aide active à mourir ». Mais elle a aussi largement approuvé le développement des soins palliatifs. Pour le MCC, le point d’Antoine d’Abbundo, responsable de la rubrique Bioéthique de La Croix.

En tant que responsable de la rubrique Bioéthique à La Croix, j’ai eu le privilège de pouvoir suivre dans son intégralité la Convention citoyenne sur la fin de vie convoquée par le président Macron. Celle-ci a réuni durant quatre mois, du 9 décembre 2022 au 2 avril 2023, 184 participants pour réfléchir à la question posée par la première ministre, E. Borne : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ». Autrement dit, plus clairement, pour trancher un débat qui ressurgit régulièrement depuis trente ans : faut-il, ou non, autoriser l’euthanasie ?

Avant même son installation, cette Convention a suscité bien des critiques. Quelle était la légitimité de ces citoyens tirés au sort et sans expertise particulière sur un sujet aussi sensible et complexe, mêlant enjeux médicaux, économiques, juridiques, philosophiques et éthiques, à la rencontre de l’intime et du collectif ? N’allaient-ils pas servir de caution populaire pour valider une décision déjà prise par l’exécutif ? Pouvait-on vraiment attendre un débat équilibré de cette assemblée quand l’instance qui l’organise, en l’occurrence le Conseil économique, social et environnemental (Cese), avait, dès 2018, pris position en faveur d’une évolution de la loi ?

Après avoir assisté aux neuf sessions de travaux qui ont occupé 27 jours – plus que n’importe quel débat parlementaire ; après avoir entendu près d’une soixantaine d’intervenants de tous horizons et de toutes obédiences ; après avoir observé les longues heures passées en ateliers pour délibérer, enregistré les débats en plénière, constaté le résultat des votes ; après avoir échangé avec nombre d’entre eux aux pauses café pour évoquer leur cheminement, parler de leurs doutes, questionner leur certitude, je reste marqué par une chose : le remarquable engagement de toutes et tous malgré la difficulté de l’exercice.

Tout n’a sans doute pas été parfait, mais le sérieux mis à comprendre, le désir et le plaisir d’échanger, la volonté de débattre en respectant l’autre est plus qu’encourageant par contraste avec le diagnostic souvent fait d’un pays qui souffrirait de fatigue démocratique. En cela, la Convention est une bonne surprise. Tout comme le fait que 97 % des participants à la Convention aient approuvé le besoin d’un développement massif des soins palliatifs. Il en est une autre plus inquiétante ou, en tout cas, qui pose question.

On le sait, une forte majorité des citoyens s’est prononcée en faveur d’une ouverture vers l’aide active à mourir, euphémisme pour désigner l’euthanasie ou le suicide assisté. Ce mouvement ne fait que refléter ce qui est à l’œuvre dans la société française depuis des décennies : face à la crainte que suscite une mort désormais largement médicalisée, la revendication de l’individu à maîtriser jusqu’au bout son destin semble balayer tous les interdits moraux, les préventions du monde médical, la menace de fragiliser plus encore les malades vulnérables. Au risque de bouleverser le fragile équilibre que la France avait réussi jusque-là à maintenir entre liberté et solidarité.

Antoine d’Abbundo, responsable de la rubrique Bioéthique de La Croix

Retrouvez le récit d’Antoine d’Abbundo dans le Dossier publié par La Croix L’Hebdo des 1er-2 avril (actuellement en kiosques) et sur le site de La Croix

A voir et à écouter également : Sur le site des Semaines Sociales de France : débat sur la fin de vie parlons-en

Conférence organisée par l’Institut catholique de Paris, le 28 mars 2023, et animée par A. d’Abbundo : Conférence à l’Institut Catholique de Paris “Fin de vie : regards croisés sur les enjeux du débat”