L’Union européenne a fait du respect de l’État de droit et des droits humains l’un de ses plus solides fondements, garanti par la Charte des droits fondamentaux adoptée en 2000 et reprise dans le traité de Lisbonne de 2009, qui lui donne la même valeur juridique que les traités. Ce traité prévoit à son article 7 des sanctions en cas de non-respect.

Comme le montrent les récentes confrontations avec la Pologne et la Hongrie, mais aussi avec Malte, Chypre et d’autres États membres, ce principe pose le problème de la souveraineté des États membres. Ou s’arrête le droit communautaire et où commence la souveraineté des États membres ? La question se pose à propos de la loi qu’a votée le Parlement de Budapest sur la protection des mineurs contre la pornographie et l’interdiction de la promotion de l’homosexualité auprès des mineurs. Cette loi a suscité la protestation du Conseil des ministres et du Parlement européen. Or, comme le soutient le gouvernement hongrois, cette loi ne contrevient en rien à la charte des Droits fondamentaux puisqu’elle ne vient pas instituer une discrimination envers les homosexuels, mais seulement interdire la promotion de l’homosexualité auprès des mineurs. La seule critique qui vaille est le rapprochement entre homosexualité et pornographie, mais, quoi qu’en dise le lobby LGBT, cela ne justifie pas des sanctions.

Il en est tout autrement de certaines dispositions prises par le gouvernement polonais du PiS qui réduisent considérablement ces deux piliers de la démocratie que sont l’indépendance de la justice et la liberté de la presse. L’Union est parfaitement dans son droit quand elle menace d’appliquer l’article 7 du traité de Lisbonne. Sauf que cet article 7 ne peut être mis en œuvre qu’à l’unanimité des autres États membres, et que la Hongrie ne votera jamais l’article 7 contre la Pologne, et inversement. Alors que peut faire l’Union ? La seule arme qui lui reste est l’arme financière. Elle peut, comme elle l’a fait dans la négociation sur le plan de relance en juillet 2020, conditionner le versement des fonds au respect des droits fondamentaux. Même si la Pologne et la Hongrie ont menacé de ne pas voter le plan si cette menace était maintenue, elles ont dû accepter la condition sous la pression des autres membres. Mais elles ont obtenu des garanties sérieuses : toute sanction devra être confirmée par la Cour de justice de l’Union. Ce qui leur laisse du temps pour voir venir…

Le respect de l’État de droit implique une immixtion dans les affaires intérieures des États qui entretient la défiance de nombreuses populations qui y voient un empiètement sur leur souveraineté nationale. Cette immixtion est justifiée quand l’État de droit et la démocratie sont menacés. Mais si l’Europe ne veut pas s’aliéner toute une partie de sa population, elle devra s’abstenir de vouloir imposer aux États membres une conception des droits humains très influencée par certains lobbies et qui n’a pas grand-chose à voir avec le respect de la charte des droits fondamentaux..

Claude Bardot, ancien co-responsable du secteur Nord des Hauts-de-Seine, secrétaire général de la section des Hauts-de-Seine du Mouvement européen