En paroisse ou au MCC, chacun se familiarise avec la démarche de synodalité. Mais ce mot peut rester obscur voire sembler relever du jargon d’église… Que recouvre-t-il exactement ? En quoi consiste la dynamique ? Les explications de Laure Blanchon, théologienne et titulaire de la chaire Rodhain au Centre Sèvres où elle enseigne en ecclésiologie et en christologie, dans le nouveau numéro de Responsables (n° 455-printemps 2022).

« Communion, participation et mission ». C’est le thème du synode sur la synodalité lancé par le pape François en octobre 2021. Il concerne l’Église locale et universelle, ainsi que tous les chrétiens fidèles laïcs, clercs et personnes consacrées, qui ont jusqu’au 15 août 2022 pour présenter les synthèses des consultations via leurs conférences épiscopales..

En 2015, lors du 50e anniversaire de l’institution du synode des évêques, le pape François affirmait : « Le monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir même dans ses contradictions, exige de l’Église le développement de synergies dans tous les domaines de sa mission. Le chemin de la synodalité est justement le chemin que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire ». Dès lors, il importe de comprendre ce dont il s’agit.

Ce qu’elle n’est pas

La synodalité ecclésiale n’est pas une délibération démocratique aboutissant, au terme de jeux de force et de compromis, à une décision votée par une majorité. Elle n’est pas davantage une stratégie de ressources humaines où les baptisés conversent ensemble pour vivre une plus grande cohésion interne. Elle n’est pas non plus un apprentissage du travail coopératif, afin d’être plus performants dans la poursuite d’un bien commun. Pourtant la délibération démocratique, la conversation et la coopération sont des réalités bonnes, mais ce n’est pas la synodalité.

Par l’écoute et le discernement en commun, s’ouvrir à l’inattendu de Dieu

Vivre la synodalité engage dans un itinéraire d’écoute mutuelle entre baptisés de tous états de vie et de toutes fonctions ecclésiales, et en hospitalité à ceux qui sont aux marges ou hors de l’Église. Par l’écoute active, chacun se décentre de lui-même, sort de l’autoréférentialité et de postures partisanes. Graduellement, les baptisés s’ouvrent ensemble à une perspective élargie sur le réel et sur le Royaume de Dieu. Ils grandissent en liberté intérieure et reçoivent, les uns par les autres, la grâce de se mettre ensemble à l’écoute de ce que l’Esprit Saint dit aux Églises aujourd’hui dans le monde tel qu’il est. Le chemin n’est pas tracé d’avance, ni l’aboutissement préétabli. En « marchant ensemble », la communauté apprend à s’ouvrir à l’inattendu de Dieu et à l’accueillir avec confiance et gratitude.

La synodalité est un processus de discernement en commun qui prend son temps. Au gré de consultations et d’écoute, de conversations spirituelles, de partages d’expériences, de moments de silence et d’intériorisation, d’attention aux mouvements des esprits en soi et dans le groupe, un travail de discernement s’opère peu à peu. Il fait émerger un consensus sur la direction à engager pour que l’Église réponde à l’appel que Dieu lui adresse au cœur de ce monde. Ce consensus communautaire est discerné par tous, et en cela, tous sont partie prenante de l’élaboration de la décision. Puis lorsque le consensus a mûri, il est remis entre les mains du synode des évêques ou d’une autre instance de gouvernement ecclésiale pour que la décision soit prise ou votée par les pasteurs. Elle est ensuite envoyée dans toutes les Églises locales ou les communautés chrétiennes concernées pour être reçue et mise en œuvre. Le discernement synodal appelle tout ce processus, de l’écoute initiale à la réception finale qui ne manquera pas d’appeler de nouveaux processus d’écoute.

Recevoir à neuf la Bonne Nouvelle

Toute expérience synodale est ainsi un événement de transmission de la foi. La communauté chrétienne se laisse toucher, transformer, évangéliser par la rencontre du Christ dans l’accueil des souffrances de ce monde. Elle y reçoit à neuf la Bonne Nouvelle. Cela l’engage à en témoigner avec une ardeur inédite, en percevant mieux l’Esprit Saint déjà à l’œuvre dans le monde vers qui elle est envoyée par le Père, à la suite du Christ et de tant de disciples des générations passées. Ainsi vécue sous l’Esprit Saint et à l’écoute des Écritures, la synodalité se révèle être une expérience spirituelle de conversion missionnaire personnelle et communautaire dans laquelle la Parole et l’Esprit reconfigurent la communauté dans sa manière d’être au monde et à son service.

Pour que la synodalisation de l’Église se réalise, il est indispensable de mettre dès le départ au centre du cheminement ecclésial les plus fragiles, les pauvres, les personnes en marginalité, et pour ce faire, d’inventer des modalités qui leur permettent de participer au processus synodal. Sinon le rêve de marcher tous ensemble restera un vœu pieux jamais atteint. Par ailleurs, la synodalité ne peut se déployer sans être accompagnée par les pasteurs de l’Église. Mais ces pasteurs, pour favoriser le devenir synodal de l’Église, ont à exercer leur ministère dans un style coopératif, stimulant la participation de tous, la liberté de chacun et la communion fraternelle au service du Royaume.

Laure Blanchon, ursuline de l’Union romaine (osu)

Les calendriers diocésains et mondial du synode sur la synodalité