Deux choses peuvent diminuer l’impact d’un choc lorsque nous fonçons dans un mur : la vitesse avec laquelle nous le percutons et la matière dont le mur est fait. La bonne nouvelle, c’est qu’en ce qui concerne le mur écologique, ralentir la marche peut également contribuer à ramollir le mur.

Intitulé « Face au mur. Entreprise et écologie » et réalisé en partenariat avec le MCC, le dernier numéro de la Revue Projet a servi de support pour un atelier du Congrès National de septembre dernier, « Entreprise et Climat : comment mieux résoudre les dilemmes des cadres en entreprises engagés dans le cadre de la transition écologique ? ». Il y était notamment question de la responsabilité des entreprises face la situation écologique actuelle. L’événement étant passé, revenir à ce numéro peut être une bonne manière de poursuivre la réflexion, car les articles du dossier posent bel et bien la question de la capacité des entreprises privés à être actrices de la transition écologique.

Actrices, certains considèrent qu’elles peuvent l’être si certaines conditions sont réunies. La première implique, selon P.-Y. Gomez, que les entreprises opèrent un « retournement » pour interpréter l’exigence écologique comme une nouvelle opportunité économique. Cette prise de conscience ne peut cependant se traduire en acte que si l’entreprise peut se libérer de certaines contraintes liées à l’accès au financement de long-terme, ainsi qu’à sa gouvernance interne et à l’écosystème dans lequel elle évolue. D’autres contraintes, plus exogènes et liées au cadre institutionnel et politique, pèsent également sur cette capacité au retournement. Sur ce point, la question de l’articulation entre les sphères militante et politique semble être primordiale dans leur capacité pour la première à revendiquer des changements et pour la seconde à les mettre en œuvre.

Il semble toutefois erroné d’exclure l’entreprise de ce mouvement politique transformateur et de la considérer uniquement comme un joueur dont l’action se limite à l’adaptation, incapable de questionner et de participer à la modification des règles du jeu économique et plus particulièrement de ses finalités. Car c’est bien à la production comme fin en soi qu’il s’agit aujourd’hui de renoncer, pour renouer avec un travail qui trouve son sens et ses fins dans la qualité des relations qu’il génère. Comme le souligne l’anthropologue Dusan Kazic dans un ouvrage récent, la production est devenue le grand récit moderne à partir duquel la société tout entière s’organise et perçoit les relations qui l’animent. Cet imaginaire nous confine en pratique à une confrontation entre les tenants de la « bonne » et de la « mauvaise » production, au lieu de nous intéresser aux manières de faire économie en relation.

Cette dernière position, notamment portée par certaines entreprises de l’économie sociale et solidaire, ouvre un au-delà de la critique en basant son action sur un nouveau type de spéculation : celle qui consiste à se demander quel type d’économie constitue l’horizon de mon action ?

Noé Kirch, doctorant au Ceras

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