Sollicités par le MCC, le père jésuite Joseph Nassar, responsable du Réseau jésuite libanais d’écologie et de développement intégral et supérieur de l’espace jésuite de Tanaiel (composé de 3 écoles, centre spirituel et domaine éco tourisme) et le professeur Georges Aoun, doyen émérite de la faculté de gestion et de management de l’université Saint-Joseph de Beyrouth, nous offrent leur regard sur la crise libanaise.

Depuis trois années, le Liban est plongé dans une crise dont les origines sont économique, politique et sociale. Économiquement, les déficits cumulés de la balance des paiements ont été financés par l’endettement public qui a atteint plus de 150 % du produit intérieur brut. Une partie des dépôts bancaires a été prêtée à l’État et la cessation de remboursement des pouvoirs publics a affecté les banques libanaises et miné la confiance dans les banques locales incapables d’honorer leurs engagements, ce qui a plongé le pays dans une dépression en 2019. La classe politique a adopté une approche populiste et a utilisé la fonction publique et ses services pour augmenter sa popularité et pratiquer un clientélisme. Les promesses non tenues ont engendré, en 2019, un désaveu de la classe politique qui pratiquait une démocratie consensuelle empêchant l’alternance dans la gouvernance du pays. Malgré les critiques virulentes des citoyens à l’égard de la classe politique, les élections législatives ont démontré que les politiciens ont pu maintenir une emprise partielle sur la gouvernance du pays. Sur le plan social, le chômage et la pauvreté ont augmenté, de même que l’émigration des jeunes à la recherche d’un avenir meilleur en Occident ou dans les pays du Golfe, ce qui prive le pays de sa jeunesse et engendre un déséquilibre démographique.

Les institutions d’enseignement et les hôpitaux privés de la capitale ont été doublement affectés, d’une part par la destruction partielle ou totale de leurs infrastructures à la suite de l’explosion du port de Beyrouth et d’autre part, par la chute drastique de leurs ressources à cause de la dévaluation rapide de la livre libanaise contre les devises étrangères et la baisse du pouvoir d’achat de la classe moyenne qui constitue la majorité des utilisateurs de ces services.

La présence des réfugiés syriens a aggravé les problèmes économiques et sociaux dont souffre le Liban et le retour de ces réfugiés en Syrie semble compromis à court terme à cause du contexte géopolitique de la Syrie qui demeure fragile et l’absence d’une réconciliation entre le régime et ses opposants.

À la fin de l’année 2022, le Liban s’est stabilisé grâce au soutien de la communauté internationale, les agences des Nations-Unies et des ONGs qui appuient directement les familles défavorisées ainsi que des institutions d’enseignement et de santé, sans transiter par les pouvoirs publics libanais jugés peu fiables par les donateurs. La diaspora libanaise contribue également à soutenir des membres de leur famille résidant au Liban en effectuant des transferts annuels d’environ 7 milliards de dollars. L’espoir suscité par le tracé de la frontière maritime entre le Liban et Israël pourrait créer un climat favorable et attirer des investissements étrangers dans les secteurs du gaz et du transport.

Joseph Nassar sj, Georges Aoun

Le centre hospitalier universitaire libanais Hôtel-Dieu de France