Observateur attentif de la vie politique outre-Atlantique, ancien dirigeant de médias (TF1, Ouest France, Télérama) et auteur de nombreux ouvrages, Antoine de Tarlé décrypte pour le MCC les conséquences des émeutes du 6 janvier pour la démocratie américaine.

Dans les jours qui ont suivi l’incroyable attaque du Capitole, plusieurs amis américains m’ont demandé ce que je pensais de cet évènement traumatisant. Je leur ai répondu que c’était paradoxalement une bonne nouvelle pour Biden et pour la démocratie américaine. Cet évènement dont personne n’avait prévu l’ampleur a en effet permis de mettre un terme à des dérives qui étaient en train de détruire la démocratie américaine.

Tout d’abord, le FBI et le ministère de la Justice ont mis en accusation 250 excités et plusieurs organisations extrémistes qui s’agitaient depuis des années dans des manifestations de plus en plus violentes en soutien du président Trump et avec l’encouragement de ce dernier. Après avoir bénéficié d’une étonnante impunité, ils risquent des années de prison et de lourds frais de justice.

Par ailleurs, la question du mensonge en politique est devenue un point central dans l’examen de conscience des politiques et des journalistes. Les réseaux sociaux, Facebook, Twitter et YouTube ont enfin réalisé que laisser circuler des milliers de messages affirmant contre toute évidence que Trump avait remporté l’élection pouvait aboutir à une crise sans précèdent, à des morts et des centaines de blessés. Du coup, les plate-formes ont privé de parole le président sortant et des milliers de ses partisans. Là encore, on a mis un terme à une impunité qui faussait totalement le débat politique. Toutefois la question de la régulation de ces plate-formes reste posée.

Cet assainissement d’une situation qui menait le pays au bord d’un affrontement meurtrier est loin pourtant de mettre un terme à une crise qui s’est amorcée bien avant l’arrivée de Trump au pouvoir et qui risque de se perpétuer sous d’autres formes.

Les chiffres reflètent une inquiétante réalité. Avec 76 millions de voix, Trump a obtenu un meilleur score qu’Obama en 2012. Sur ce total, 70 %, d’après les études du Pew Center, restent convaincus que le scrutin a été volé et que c’est lui qui aurait dû être élu. Un profond sentiment de frustration subsiste dans la population blanche et non diplômée qui représente 45 % du corps électoral alors que les hispaniques et les afro-américains, soutiens traditionnels des démocrates, constituent moins de 30 % des électeurs potentiels.

De l’avis général le président Biden a deux ans seulement pour restaurer les mécanismes traditionnels de la démocratie américaine avant des midterm elections de 2022 qui pourraient redonner la majorité du Sénat aux républicains.

Antoine de Tarlé