À l’occasion du centenaire de l’Organisation internationale du travail (OIT) en juin, le pape a adressé un message aux participants appelant à cultiver un travail qui soit inclusif, facteur de développement humain et orienté dans le souci du bien-être de la terre, notre « maison commune ». Extraits.

Quel type de travail devrions-nous donc défendre, créer et promouvoir ? C’est une question complexe. Dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, répondre à la complexité des questions liées au « travail » exige une analyse approfondie et interdisciplinaire. (..) La nouvelle direction pour un développement économique durable doit placer la personne et le travail au centre du développement, en cherchant dans le même temps à intégrer les questions du travail à celles de l’environnement. Tout est lié et nous devons répondre de façon intégrale.

Terre, toit et travail

Une contribution précieuse à cette réponse intégrale est ce que certains mouvements sociaux et syndicats de travailleurs ont appelé les trois « t » (tierra, techo, trabajo) : terre, toit et travail. Nous ne voulons pas un système de développement économique qui pousse les personnes à être au chômage, sans toit ou exilées [cf Note 1]. « La terre est essentiellement un héritage commun, dont les fruits doivent bénéficier à tous » et « équitablement affluer entre les mains de tous ». Cet aspect revêt une importance particulière en ce qui concerne la possession de la terre, aussi bien dans les zones rurales quand dans celles urbaines, et au processus juridique qui en garantit l’accès [cf Note 2] (…).

L’interdépendance entre travail et environnement nous oblige à repenser les types de travail que nous voulons promouvoir à l’avenir et ceux qui doivent être remplacés ou délocalisés, tels que les activités de l’industrie polluante des combustibles fossiles. Il est impératif de passer du modèle actuel d’énergie fossile à un modèle plus renouvelable si nous voulons prendre soin de notre terre mère, sans laquelle il n’y a pas de travail possible. Mais il est injuste que ce passage énergétique se fasse au détriment des indigents. En promouvant et en défendant les postes de travail, nous devons tenir compte du lien entre « toit, terre et travail ».

Tradition, temps, technologie

Une autre contribution à une réponse intégrale aux questions actuelles qui concernent le travail est apportée par une autre série de trois « t » : plus précisément tradition [Cf Note 3], temps et technologie. (…)

Nous devons cesser de concevoir le temps de façon fragmentée, comme une simple dimension jetable et coûteuse des affaires. En réalité, le temps est un don (de Dieu) à recevoir, apprécier et valoriser, dans lequel nous pouvons donner naissance à des processus de promotion humaine, dans lequel nous pouvons être attentifs à la vie qui nous entoure. (…) Nous avons besoin de temps pour ralentir et comprendre l’importance d’être présents dans le moment au lieu de continuer à courir vers le moment suivant [cf Note 4].

Nous savons aussi que la technologie, dont nous recevons tant de bénéfices et d’opportunités, peut empêcher le développement durable quand elle est associée à un paradigme de pouvoir, de domination et de manipulation. Dans le contexte actuel de la quatrième révolution industrielle, caractérisée par cette technologie numérique rapide et raffinée, de la robotique et de l’intelligence artificielle, le monde a besoin d’institutions telles que l’OIT [cf Note 5].

(…) Nous devons écouter la génération des jeunes afin de répondre à l’attitude de domination à travers une attitude de soin : soin pour la terre et pour les générations futures. C’est « une question fondamentale de justice [et de justice intergénérationnelle], puisque la terre que nous recevons appartient aussi à ceux qui viendront ». (…)

Pape François


Texte intégral : https://urlz.fr/ad5h

Note 1 : Malgré tous nos efforts en faveur de l’édification de la paix, de la justice sociale et des normes du travail, nous sommes toujours confrontés à de graves problèmes de chômage, d’exploitation, de traite des êtres humains et de travail forcé, de salaires injustes, de conditions de travail insalubres, d’appauvrissement des milieux naturels et de méthodes et pratiques technologiques discutables.

Note 2 : À ce propos, le critère de justice par excellence est l’application du principe de la « destination universelle des biens » de la terre, dans lequel «le droit universel à leur usage» est «le premier principe de tout l’ordre éthico-social. »

Note 3 : Dans le domaine du travail, nous devons transmettre non seulement le savoir-faire technologique, mais également les expériences, les visions et les espérances. Cette dynamique intergénérationnelle est fondamentale en ce moment présent de l’histoire, au cours duquel nous devons conjuguer la sagesse et la passion pour le bien de l’humanité et de notre maison commune.

Note 4 : Comme l’a montré notre Congrès en 2016 « Accélérer jusqu’où ? L’homme au cœur du mouvement ». Le pape développe ici le paragraphe de Laudato si’ sur la « rapidación » (§ 18).

Note 5 : Elle a la capacité de remettre en question une mentalité toxique répandue qui ne se préoccupe pas de savoir s’il y a une dégradation sociale ou environnementale, qui ne se préoccupe pas de savoir qui ou quoi est utilisé et jeté; qui ne se préoccupe pas de savoir s’il existe le travail forcé des enfants ou le chômage des jeunes.