Mardi 10 mars, 14h, les aumôniers et accompagnateurs spirituels du MCC en session découvrent un lieu surprenant, niché au bout d’une allée pavée au 61 de la rue Victor Hugo à Pantin : le Relais, un restaurant et centre de formation, pionnier de l’insertion par l’activité économique dans la banlieue Nord-Est de Paris. Responsables s’est glissé parmi eux.

Des inscriptions sur le mur, dans le style « street-art », avec le mot « solidarité » écrit dans toute

s les langues, accueillent les visiteurs. Très vite, ceux-ci découvrent que le Relais est un restaurant-traiteur, presque comme les autres, même s’ils ont l’impression de se trouver dans la cour d’une usine : la forge et l’écurie attenante sont devenues la salle de restaurant.

Devant le groupe de visiteurs du MCC, réuni dans l’ancien grenier, Belkacem Kheder, fondateur des lieux, présente l’entreprise à laquelle il a consacré « 30 ans de sa vie ». Porté par une poignée d’hommes, le projet est une réponse au sous-emploi de jeunes en errance, issus de l’immigration et du regroupement familial, désœuvrés, aux comportements parfois borderline, que personne n’attendait. Il naît de la rencontre, au début des années 1990, entre un homme, ancien éducateur, une époque, la fin des Trente Glorieuses, et un lieu, friche industrielle à Pantin.

Le directeur général évoque ensuite sa passion pour la cuisine, transmise par sa belle-mère italienne, son désir de créer un lieu de convivialité, ses multiples démarches pour faire avancer le projet de restauration des bâtiments alors que les fonds manquent cruellement. Et décrit la contradiction « monstrueuse » devant laquelle il s’est retrouvé au début, à l’époque de la création du revenu minimum d’insertion (RMI) : « je travaillais avec des gens cabossés qui ne savaient pas bosser, alors qu’on avait besoin d’eux ». Conscient que l’État ne peut pas régler tous les problèmes, il participe, comme citoyen, au démarrage d’une entreprise d’insertion et obtient, à force de démarches, les fonds nécessaires pour le projet.

Reprenant leur déambulation, les aumôniers découvrent des locaux qui abritent à la foi

s un restaurant et un centre de formation, pour des jeunes et des moins jeunes au service de salle et à la cuisine. La cible précisément, ce sont des personnes aux pré-requis très bas qui ne peuvent entrer dans les écoles hôtelières. « Le souci de notre équipe pédagogique est de leur faire apprendre les savoirs de base pour leur permettre de calculer des proportions, les unités de mesures, comprendre les recettes, lire les fiches techniques », poursuit celui que salariés et stagiaires appellent chaleureusement « Belka ». Il souligne la difficulté d’inculquer des savoir-être (être fiable, notamment sur les horaires…) et un peu de culture, qui ne peuvent s’acquérir que par l’expérience. Pour lui, le plus important est de recruter des candidats motivés : « on est là pour donner de l’oxygène mais on ne peut respirer à la place des gens. On est très attentifs à l’humain mais on est aussi capables de taper sur la table quand cela ne va pas ». Le Relais a ainsi formé plus de 5 000 agents de restauration, cuisiniers et serveurs en salle depuis son ouverture. Yveline Michel, au sourire contagieux et rencontrée à la cafétéria, est arrivée en formation en 2018. Après avoir obtenue le titre professionnel de cuisinière, elle occupe depuis 2019 le poste de pâtissière. Elle se montre « fière d’avoir réalisé son rêve » et d’avoir trouvé sa place dans la société.

Flashback au début des années 2011. L’entreprise prend la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Grâce à cette entité nouvelle, « la gouvernance est portée par les usagers, les collectivités territoriales, les salariés et des personnes morales ». En pratique, le conseil d’administration (CA) comprend vingt personnes dont sont issus des groupes de travail se répartissant les tâches ; ces derniers sont composés aussi de sociétaires apportant leurs compétences précieuses (RH, communication, finance, gestion, juridique, hygiène et sécurité…). Le projet, qui s’est structuré au fil du temps, appartient à tous ; la SCIC permet de le faire porter par le plus grand nombre et a contribué à faire rentrer le tout dans un cadre juridique solidaire et citoyen.

À la question de l’avenir, Belka Kheder répond très simplement : « Je pense à la relève, j’ai donné tout ce que j’avais à donner durant trente ans » ; mais « une main toute seule n’applaudit pas et un chef d’orchestre sans musiciens ne peut pas faire de concert. Ma préoccupation quand je recrutais ces dernières années pour des postes stratégiques, c’était de trouver des gens partageant notre vision. On a pensé à une direction partagée mais le CA a décidé de me remplacer par quelqu’un venant d’une ONG, avec mission de mettre en place dans deux ou trois ans cette forme de direction. La relève est donc là ».

C’est fortifié par leur rencontre avec un homme à l’énergie inépuisable, déployant un humanisme au service de l’insertion d’un public défavorisé, que le groupe MCC quitte Pantin pour regagner Issy-les-Moulineaux.

Solange de Coussemaker