Jean-Marc Moutout signe dans « De Bon Matin », en salle depuis le 5 octobre, un film sobre sur la spirale infernale de l’exclusion dans le monde de la banque. Ou comment un être ordinaire se laisse ronger par le mal jusqu’à commettre l’irréparable. C’est la question au cœur de ce film que la Lettre du MCC vous recommande.


Même si De bon matin rejoint autant l’actualité qu’une réalité bien connue dans le monde du travail, le sujet du film s’est imposé à son réalisateur (qui n’a jamais travaillé en entreprise) dès 2004, à la suite d’un fait divers relaté dans la presse : un employé de banque avait tué à coups de revolver deux de ses supérieurs hiérarchiques. Il a alors rencontré des banquiers, enquêté sur le processus de « placardisation », de souffrance, d’exclusion au travail, très courant dans toutes les structures professionnelles autres que bancaires.

Dans ce film, pas de suspens. Dès la première scène, on connaît la teneur du drame qui se joue pour cet homme d’âge mûr, magnifiquement incarné par Jean-Pierre Darroussin. Jusque- là « normal », ce quinquagénaire ne comprend pas ce qui lui arrive, et perd tous ses repères parce qu’il ne correspond plus à l’archétype qui lui était familier. On y gagne une analyse très fine et sobre de sa descente aux enfers associée, en parallèle, à la montée du mal qui se propage en lui sous le regard de ses proches. Ceux-ci,comme bon nombre d’entre nous, impuissants ou maladroits, s’avèrent incapables d’enrayer cet engrenage de destruction de l’identité dont ils ne comprennent pas les ressorts.

A la suite de la projection du film, nous avons eu la chance de participer à un débat de qualité organisé par La Croix et ses lecteurs, avec Jean-Marc Toutout, le réalisateur, et Nicolas Sandret, médecin inspecteur du travail[Coauteur avec Marie Pezé et Rachel Saada de “[Travailler à Armes Égales“. Souffrance au travail, comprendre et agir (Ed. Pearson, coll. Les temps changent, 2011, 240 p.]]. Les échanges ont mis en avant une réalité : cette souffrance ne vient pas d’une fragilité, mais elle naît plutôt de l’incompréhension de celui qui voit les valeurs qui l’animaient se retourner contre lui face au changement de logique qui lui est imposé, la finance prenant le pas sur le service. Le rôle du médecin a pour but de faire émerger la parole qui libère. Il explique les enjeux des conflits, désamorçant ainsi les risques d’issue fatale. Ces réflexions ont aussi permis de rappeler que le droit du travail a pour but d’adapter ce dernier à l’homme et non l’inverse.

Solange de Coussemaker

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Citations du film :

« Vous pervertissez les notions de bien et de mal »

« Tu mélanges tes principes et tes intérêts »