Ce 25 septembre, le secteur de Touraine a proposé une réflexion sur le lien entre notre travail et notre foi de chrétien. L’événement était organisé à l’invitation de l’archevêque de Tours, Mgr Vincent Jordy, qui souhaitait que ce soit une occasion de rencontre et de partage entre les équipiers du MCC et le groupe des Jeunes Professionnels du diocèse.

Après un premier temps d’échange en équipe brassée autour de questions sur notre définition du travail et de la place de notre foi dans son exercice, Jean-Marie Onfray, aumônier d’équipe MCC et théologien, a reçu les remontées de nos tables rondes pour y répondre à partir de 7 points essentiels pour comprendre la valeur travail dans la spiritualité chrétienne.

  1. Tout d’abord, dans la tradition biblique le travail est constitutif de l’Homme qui participe ainsi à la création de Dieu. En aucun cas, cela doit être compris comme une condamnation en lien avec le péché originel de la Genèse. Tout métier est noble et Dieu est décrit de façons multiples sous les divers traits d’un potier, berger, vigneron, agriculteur, tisserand, … Toutefois, il est essentiel de préciser que cette noblesse du travail ne peut être séparée du respect du 7ème jour (Sabbat) et donc du repos. Le travail n’est donc pas une finalité, mais un moyen.
  2. Puis, les cultures grecques et romaines feront du travail un élément d’aliénation (tripalium = torture) dévolu aux esclaves, les citoyens, hommes libres, quant à eux prient, pensent ou font la guerre, activités qui ne sont pas considérées comme un travail. Bien qu’en contradiction avec la tradition biblique, jusqu’à aujourd’hui ce regard a fortement influencé la culture chrétienne. Pourtant, saint Paul, que l’on pourrait qualifier de premier « prêtre-ouvrier », dans sa seconde lettre aux Thessaloniciens, rappelle que les porteurs de la Bonne Nouvelle ont travaillé « dans la peine et la fatigue, nuit et jour » et ont subvenu à leurs besoins pour ne pas « être à la charge » de leurs hôtes. « Nous avons voulu être pour vous un modèle à imiter ».
  3. Avec sa devise « Ora et Labora », saint Benoît vient également revaloriser le travail comme dimension essentielle de la vie du moine. Par le temps qui y est consacré, le travail, élément de liberté, doit répondre de façon équilibrée à la prière et au repos. Et encore aujourd’hui, les paysages de nos campagnes sont en grande partie associés au travail effectué par les monastères au Moyen Âge.
  4. La révolution industrielle avec la mécanisation du travail et l’exode rural va bouleverser la relation au travail. Les notions de salariat, de productivité, de valorisation des tâches et des métiers vont conduire à l’apparition du prolétariat. La logique est perdue entre la tâche que l’on accomplit et le résultat de ce que l’on produit. L’homme se rend esclave de la machine qui devient l’élément qui cadence le début du travail, sa fin et son rythme. Dans ces conditions, certaines formes de travail sont loin de participer à l’œuvre créatrice de Dieu.
  5. Devant la misère et les souffrances, le monde ouvrier s’éloigne de l’Église pour se retrouver dans le marxisme et l’anarchie. L’Église se doit alors de prendre position sur ces questions sociales. En 1891, Léon XIII avec « Rerum novarum » pose les fondements de la Doctrine sociale de l’Église qui défend la dignité du travailleur par la question du juste salaire, des limites d’un travail décent (âge minimal, temps et conditions de travail, travail de nuit, repos hebdomadaire, travail des femmes, chômage, santé, maternité, retraite, handicap) ainsi que de l’importance des organisations ouvrières pour participer et peser devant la hiérarchie.
  6. Encore aujourd’hui, il convient de se méfier d’une vision trop élitiste (bourgeoise) du travail vu comme un instrument de création de richesses, de rémunération, de libération, d’épanouissement, de réalisation de soi et de reconnaissance sociale. Souvent le travail, lorsqu’il existe, ne peut pas être choisi, il est juste subi. Il n’est pas seulement effort ou plaisir, mais souffrance et condition première de sa propre subsistance. En 1981, dans l’encyclique « Laborem exercens », Jean-Paul II insiste sur la distinction entre l’objet produit (travail objectif) et la dimension humaine de cette tâche (travail subjectif). Cette distinction permettra de poser la question sur ce que nous devenons par notre travail et ce qu’adviennent les autres autour de nous.
  7. Enfin, dernier point, ne pas oublier la merveilleuse relation qui par le travail de l’homme, transforme ce qui vient de la nature en Eucharistie. « Tu es béni, toi qui nous donnes ce pain (vin), fruit de la terre et du travail des hommes ». Par notre travail, l’Eucharistie nous fait entrer dans la gratuité de la grâce. Chacun est en mesure de discerner s’il retrouve dans l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne, le fruit de son propre travail quotidien et hebdomadaire. En effet, notre participation à l’œuvre créatrice ne peut se réaliser à n’importe quelle condition et ce que nous offrons par notre travail doit participer à l’avènement du Royaume.

Nous ne sommes pas appelés au travail pour annoncer Jésus-Christ, mais pour vivre en chrétien, c’est-à-dire que nous sommes invités non pas à nous présenter en tant que chrétien, mais, de façon discrète, à vivre en acteurs responsables, être à l’écoute sans devancer la pensée de l’autre, être attentifs aux plus petits, aux souffrances, à vivre en cohérence, en partageant justement les richesses, en montrant l’exemple tel saint Paul.

Tout travail se valorise grâce aux relations équilibrées et respectueuses développées avec ceux que nous servons ou qui nous servent collègues, fournisseurs, clients, administration, voire aussi la concurrence, … et il n’y a pas de risque de stigmatisation ou de rejet à vivre au travail des valeurs chrétiennes et ceci au nom de l’Évangile !

Dieu ne nous demande pas d’être « gentil », mais d’être juste et vrai …

Enfin, n’oublions pas que si le travail est important, il n’est qu’un élément de notre vie et ne doit pas se réaliser au détriment de la santé physique et psychologique de quiconque qui l’exerce ou bien encore au dépend des responsabilités familiales !

Bernadette Girard, co-responsable du secteur Touraine et Olivier Tiberghien, co-responsable secteur Touraine et responsable de la région Centre