Dans la dynamique de l’encyclique Fratelli tutti et du thème du Congrès « Passeurs d’avenir », les équipiers de Lille ont choisi de se laisser interroger par la question des migrants en invitant Maurice Joyeux, jésuite, ancien directeur du Service jésuite des réfugiés (JRS) à Athènes, à l’occasion de leur soirée brassée annuelle par visioconférence le 16 mars.

C’est par hasard que le père Maurice Joyeux fait connaissance avec le monde des réfugiés. D’abord appelé au Rwanda, dans un contexte de grande violence, marqué par les séquelles des massacres, il est ensuite responsable d’un projet d’éducation dans un immense camp à la frontière au Tchad. En Grèce, il s’implique dans l’aide aux réfugiés du camp de Moria. Aujourd’hui basé à Lille, il découvre la réalité des migrants du littoral du Nord, entre Dunkerque et Calais.

À l’intérieur des camps, les réfugiés vivent dans un climat de promiscuité, de quotidien éprouvant, de grande violence. Ne pas se laisser contaminer par cette violence est un enjeu essentiel, pour lequel il faut en premier lieu chercher à faire la paix en soi ; la paix, comme une victoire active sur les forces de mort : une disponibilité à soi, à l’autre et certainement à l’Esprit. Quelques notes, nécessairement très rapides à ce sujet :

  • se reconnaître en l’autre, c’est donner la priorité à ce qui nous ressemble sur ce qui nous rend différents. En concentrant son attention sur l’autre, en l’identifiant à soi-même, et en l’accueillant “chez soi”, on se laisse transformer.
  • il n’est pas question d’ignorer la peur, mais de ne pas la laisser prendre le dessus. Il faut apprendre à ne plus écouter sa peur mais à oser la rencontre personnelle.
  • la détermination, la dignité, rencontrés dans les camps, sont admirables. Celui qui prétend aider doit d’abord beaucoup écouter et partir à la rencontre des initiatives locales, ces “cinq pains et deux poissons” que l’aide permettra de multiplier.
  • dans le Christ crucifié, le Sauveur ressuscité est déjà présent : “Seul celui qui se sait en passage peut mouvoir le monde”.
  • Jésus est l’homme des frontières, par excellence : la rencontre avec des étrangers (et souvent des étrangères, car il y a aussi une frontière entre les hommes et les femmes) a été essentielle dans la révélation de sa mission. “Notre vocation de pèlerin est d’aller chercher l’ami”.

En conclusion, Maurice Joyeux nous a incités à être des “poètes sociaux, selon les mots du pape François dans Fratelli tutti, à nous laisser déposséder de ce qui nous enferme “chez nous” et à recevoir de l’autre des richesses qui se jouent des frontières.

Wilfrid Heintz, responsable du secteur Lille-métropole

Quelques références :