Abasourdis. C’est le premier mot qui vient à l’esprit en évoquant le rapport de la CIASE. Abasourdis par tant de vies brisées, par tant de cris de douleurs qui n’ont trouvé aucun écho.

Ce rapport est remarquable par la justesse avec laquelle il a réussi à mettre les victimes au centre des préoccupations et des analyses. Il reconnaît qu’il y a un savoir propre des victimes et que nous avons tout à apprendre d’elles. Il montre le caractère insidieux de ces abus qui se passent sous nos yeux tout en se dérobant à notre regard. Il reproche à l’Église de ne pas avoir su entendre les signaux faibles. C’est la qualité de l’écoute de l’Église qui est donc mise en cause. Est-ce un hasard que, dans l’Église synodale que le pape François appelle de ses vœux, il nous est demandé d’abord d’être à l’écoute et d’apprendre les uns des autres, puis de se mettre ensemble à l’écoute de l’Esprit Saint ?

Ensuite, la CIASE bouscule notre conception de la responsabilité. Rappelant le rôle social et spirituel de l’Église dans la société, elle lui demande, dans ses recommandations n° 23 à 25, d’assumer une responsabilité globale qui va au-delà des fautes personnelles. À la fois une responsabilité civile et sociale, mais aussi une responsabilité systémique en raison de sa défaillance institutionnelle, puis civique à l’égard de la société. L’enjeu de cette demande n’est pas uniquement financier, même si cet aspect n’est pas négligeable pour les victimes. L’accent est mis sur l’effet démultiplicateur d’un fonctionnement collectif déficient. Un raisonnement qui n’est pas sans rappeler l’éthique de la responsabilité développée dans Laudato si’.

Enfin, le troisième point à retenir est la critique du repli sur soi. Il a non seulement  contribué à occulter les abus, mais a également empêché l’Église d’apprendre de la société (cf. Gaudium et Spes 44) et d’intégrer ses bons apports. Que dire d’un droit pénal canonique qui ne respecte pas les droits de la défense ? Ou d’une morale sexuelle qui peine à nommer les infractions ? Parmi les 45 recommandations de la CIASE, plus de la moitié sont des questions d’organisation (de cellules d’écoute, d’une cartographie des risques, etc.). Autant de questions pour lesquelles les compétences existent, y compris au MCC.

En remettant son rapport, la CIASE a passé le flambeau à tous les catholiques. Ils devront se saisir massivement de l’opportunité qu’offre le synode pour « rêver » l’Église de demain et initier des processus de collaboration qui peuvent perdurer. Le changement auquel l’Église est invitée est un changement de culture. Cela prendra du temps, mais il est urgent de lancer le chantier dès maintenant.

Monique Baujard, ancienne directrice de Service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France (2009-2015), accompagnatrice spirituelle MCC

Rapport sur Les violences sexuelles dans l’Église catholique France 1950-2020, Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), octobre 2021