La campagne présidentielle en France est dominée par la question de l’immigration, et les candidats se livrent à une surenchère de propositions pour limiter, voire suspendre l’immigration. Il n’y a pas qu’en France : l’Europe est toujours confrontée à ce problème qu’elle ne sait pas résoudre. Les réfugiés continuent de s’entasser dans les camps grecs : après l’incendie du camp de Moria sur l’île de Samos, les réfugiés ont été transférés au camp de Mavrovouni, tout aussi concentrationnaire. Un nouveau camp doit être installé en 2022 au nord de Samos, dans une zone déserte et inaccessible. L’UE ne s’y est pas opposée alors que les conditions sont celles d’une prison.

La Grèce, qui a subi le flux des migrants de 2015 de plein fouet, ne veut plus être en première ligne. Les autres pays de l’Union non plus. Partout le refus de l’immigration devient un thème majeur de la vie politique. Partout ? Non : en Allemagne, l’immigration n’a pas été au centre de la campagne électorale, car l’afflux de 2015 a été digéré. Plus de la moitié du million de migrants accueillis ont trouvé un travail, ont pu apprendre l’allemand. Un nombre non négligeable, devant l’accueil fraternel qu’ils ont reçu, se sont même convertis au christianisme. En Angleterre, à l’inverse, l’exode des immigrés à la suite du Brexit a mis en péril l’économie, à court de carburant. Mais Michel Barnier, en France, renie ses convictions européennes et parle de moratoire de trois ans et d’une « remise à plat de Schengen ». L’Europe parviendra-t-elle à trouver une solution ?

Le 23 septembre 2020, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a présenté un projet intitulé « Pacte européen sur la migration et l’asile », qui comprenait :

  • Un règlement introduisant une procédure de filtrage aux frontières extérieures de l’Union afin de procéder rapidement à des vérifications d’identité et de sécurité,
  • Un règlement établissant un cadre de gestion de l’asile et de la migration, qui a vocation à remplacer le règlement Dublin afin d’assurer un plus juste équilibre entre les principes de responsabilité et de solidarité,
  • Un règlement de gestion des situations de crises et de force majeure devant permettre de répondre à des situations imprévisibles et d’urgence par le biais d’aménagements procéduraux et de réponses solidaires.

Le projet est toujours au point mort et se heurte au refus de nombreux pays européens : les pays du Groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie), mais aussi le Danemark, la Suède, la Grèce, la Slovénie. La France traîne les pieds et ne veut pas prendre position à la veille des élections. Et pendant ce temps, les réfugiés meurent par centaines en Méditerranée mais aussi en Libye, les Syriens continuent de s’entasser dans des camps en Turquie et les Afghans qui veulent échapper aux talibans sont repoussés.

Les pays européens sont-ils contre l’immigration ? En fait non : ils sont contre l’immigration de musulmans. Mais la Pologne comme la Hongrie accueillent massivement des réfugiés ukrainiens et biélorusses. La raison principale est que ces pays, comme la plupart des pays de l’Union, manquent de main d’œuvre en raison d’une natalité en chute libre depuis des années, et d’une émigration massive de leur jeunesse vers le Canada et d’autres pays de l’Union où les salaires sont plus élevés. Les Britanniques souffrent également de pénurie de main d’œuvre comme l’ont montré les récentes pénuries de carburant par manque de chauffeurs-livreurs.

L’Union sortira-t-elle un jour de cette situation ? La crise institutionnelle avec la Pologne et la Hongrie va durer. Seule une évolution des opinions publiques permettra à terme de sortir de l’impasse. On en est loin.

Claude Bardot, ancien co-responsable du secteur Nord des Hauts-de-Seine, secrétaire général de la section des Hauts-de-Seine du Mouvement européen