À l’occasion de la soirée des vœux du MCC le 21 janvier (en visio), Monique Baujard a développé ce sujet en dialogue avec les membres du mouvement lors d’une conférence animée par Mélinée Le Priol, journaliste à La Croix. Avocate de formation et théologienne, elle a notamment dirigé le service Famille et Société de la Conférence des évêques de France (CEF). Elle est membre du comité de pilotage de Promesses d’Église. Son intervention fait écho à l’article qu’elle a co-signé avec Etienne Grieu dans Études (octobre 2021), « Un synode très attendu ». Retour sur les points saillants de son analyse.

Le pape François a lancé en octobre dernier une démarche synodale , « le synode sur la synodalité », auquel il invite l’ensemble des membres de l’Église. Tout comme un dirigeant d’entreprise constatant que son cœur de métier est menacé, le pape se soucie de l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui. Il engage au niveau de l’Église entière une véritable conduite du changement. Une première étape, en cours, d’écoute et de propositions au niveau des diocèses, sera suivie de synthèses concertées et donc différentes au niveau des grandes régions du monde, avant le synode des évêques à l’automne 2023.

La synodalité est une façon de lutter contre les obstacles qui entravent l’annonce de l’Évangile. Le plus flagrant est celui que constitue la crise des abus, qui jette une ombre sur la crédibilité même de l’Église. Dans la Lettre au peuple de Dieu (2018), le pape affirme le lien entre une manière d’exercer le pouvoir et les abus sexuels et de conscience. Il dénonce le cléricalisme comme un détournement complet du principe évangélique selon lequel le pouvoir dans l’Église doit être le service.

Mais la crise est plus profonde encore. La désaffection pour l’Église avance à grands pas dans nos sociétés, au point que la Bible n’est plus une référence culturelle pour la plupart des jeunes. Une des raisons tient à la persistance d’un mode de fonctionnement ecclésial très vertical, liant autorité et savoir, alors que l’ensemble de la société récuse ce lien et accorde davantage qu’hier de la valeur à l’intelligence collective et au savoir d’expérience. Ce qui permet de dire que la synodalité fait bien écho à notre manière d’agir dans la société civile.

Dans une Église inaudible pour la société, les laïcs deviennent son principal visage. Ils seront demain les témoins de l’Évangile à côté des prêtres de moins en moins nombreux. Le pape, pour la première fois, leur demande de partager la charge mentale de l’annonce de l’Évangile (« Occupez-vous de l’Église ! », dit-il en substance). Le synode invite donc à revisiter l’articulation entre le sacerdoce baptismal des laïcs, rappelé par le concile Vatican II, et le sacerdoce ministériel des prêtres.

En réponse à de multiples questions, Monique Baujard n’a pas nié les résistances aussi bien du côté de certains fidèles laïcs que de certains prêtres et évêques. Mais elle a insisté sur la possibilité de changer progressivement beaucoup de choses sur le terrain sans qu’il soit nécessaire de soulever des questions théologiques, au moins dans un premier temps. Interrogée sur la position des traditionalistes, qu’elle explique par la peur des évolutions sociétales provoquant chez certains le désir que l’Église, elle, reste immuable, elle répond nettement qu’il est impensable que l’institution Église ne change pas, sauf à disparaître. Il faut aujourd’hui que l’Église ose prendre des risques, y compris celui d’une diversité de pratiques selon les cultures, pour continuer sa mission, et la démarche synodale est un moyen essentiel pour discerner et faire Église autrement.

En conclusion de l’intervention de Monique Baujard, Bertrand Hériard a rappelé que les membres du MCC sont doublement invités à la synodalité, par la démarche de toute l’Église et par celle initiée par le mouvement pour lui-même. Puis il nous a partagé les paroles du pape François recevant les mouvements d’Action catholique au Vatican le 14 janvier dernier : « Vos mouvements ont développé dans leur histoire de vraies pratiques synodales, notamment dans la vie d’équipe qui forme la base de votre expérience. Notre Église est tout entière lancée dans un chemin synodal, et moi pape François je compte sur votre apport. Rappelons-nous justement que la synodalité n’est pas une simple discussion, la recherche d’un consensus par la majorité à la manière d’un parlement. Elle n’est pas un plan, un programme à mettre en place. Non, elle est un style à adopter dans lequel le premier protagoniste est l’Esprit Saint. »

Christian Sauret, comité de rédaction (article relu par Monique Baujard)

La vidéo est disponible pour les équipiers MCC (il faut être connecté au site Passeurs d’Avenir)

Monique Baujard