Maud Simonet, chercheuse en sociologie, étudie depuis dix ans la question du travail gratuit, dans ses diverses formes. Dans ce livre, elle part du travail féminin à la maison pour aborder le travail gratuit dans les associations, puis comme contrepartie des aides sociales, et enfin dans l’accès à l’emploi où les stages non rémunérés ou faiblement rémunérés finissent par devenir une obligation. À travers ces contextes très divers, le livre nous invite à reconsidérer la valeur du travail et à réfléchir aux évolutions en cours des rapports entre travail et salariat.

Dans toutes ces composantes, le travail gratuit est d’abord un travail, c’est-à-dire une activité faite pour autrui. Même s’il est fait par amour, comme dans le travail de l’épouse à la maison, il est toujours marqué par une forme de dépendance, d’asymétrie.

Il s’agit aussi de situations très différenciées selon les classes sociales, le sexe, l’origine ethnique. L’auteur le montre de façon saisissante dans plusieurs exemples, comme celui de l’entretien de grands parcs aux Etats-Unis, où contribuent sur la base du volontariat, d’un côté des personnes touchant une aide sociale, de l’autre des propriétaires aisés habitant à proximité du parc.

Maud Simonet montre comment l’économie numérique renouvelle la question du travail gratuit, notamment avec les enseignements de l’affaire du Huffington Post opposant ses propriétaires aux blogueurs qui ont contribué bénévolement au succès de l’entreprise.

Si on considère que la gratuité du travail va, presque toujours, de pair avec une forme de captation de la valeur du travail, le livre amène à s’interroger sur les limites acceptables pour le recours aux stages gratuits. Que faudra-t-il un jour payer avant de trouver un emploi rémunéré ? Le travail gratuit finira-t-il par être un substitut au travail salarié ?

Arnaud Laudenbach

2018, 160 pages, 15,90 €