Jeune historien et essayiste néerlandais, Rutger Bregman nous invite joyeusement à oser les utopies qui seules font avancer le monde. Il s’agit de passer de « la politique comme l’art du possible » à « la politique, comme l’art de rendre l’impossible inévitable ».

Il nous propose trois utopies réalistes :

  • éradiquer la pauvreté, par mise en place d’un revenu universel inconditionnel,
  • la semaine de quinze heures, comme objectif de moyen ou long terme,
  • préparer un monde sans frontière.

Le livre illustre de façon saisissante comment les idées naissent, s’expérimentent, sont provisoirement oubliées pour réapparaître plus tard dans des circonstances favorables. Le lecteur découvre ainsi que, sous l’administration républicaine de Richard Nixon, le revenu sans condition pour les plus pauvres a été très près d’une mise en œuvre à grande échelle.

Aujourd’hui, devant les impasses auxquelles conduit la dérégulation mondiale, l’idée réapparaît en des lieux très divers et est même expérimentée avec succès, récemment dans tel territoire du Canada ou du Kenya, ou dans tel quartier de Londres.

Rutger Bregman prévoit que le revenu sans condition finira par s’imposer, pas simplement pour des raisons morales, mais surtout pour réduire le coût indirect de la pauvreté sur les services publics.

Sur bien d’autres sujets encore, le livre bouscule nos idées, sur la valeur du travail et donc sur le temps de travail utile, sur la rémunération du travail, sur le rôle des banques, sur l’immigration.

Ce n’est pourtant pas un programme politique, mais, même si Bregman voit la réalisation de ces utopies pour après-demain plus que pour demain, il nous invite à changer notre regard et notre façon d’agir dès aujourd’hui : au lieu de simplement vouloir nous adapter aux contraintes du « système », nous pouvons nous concentrer sur ce que nous voulons orienter et créer. Bel appel à une liberté responsable.

Arnaud Laudenbach

Utopies réalistes – Rutger Bregman – Seuil, 2018 – 330 pages – 8,80 €